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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 avril 1837

7 avril [1837], vendredi, 11 h. ¼

Bonjour mon cher toi, bonjour mon pauvre ange adoré. Tu as encore travaillé cette nuit, pauvre bien-aimé. Tâche au moins que ta santé ne s’altère pas par ce travail du jour et de la nuit ? Je vois avec joie que le temps s’est un peu radouci, tu pourras sans danger te livrer à ta manie des promenades. Je t’aime mon bon Toto, je t’aime d’un amour sans borne et comme jamais homme n’a été aimé. Je t’aime de toute mon âme, je n’ai pas une pensée qui ne soit à toi, toutes les facultés de ma vie sont tournées vers toi. Je serai bien heureuse le jour où je pourrai t’endormir dans mes bras et baigner dans mes baisers tous tes pauvres membres fatigués par les veilles. Tu verras avec quelle sollicitude et quelle tendresse je m’acquitterai de ce soin. En attendant, mon cher bien-aimé, je penserai bien à toi, je mettrai bien de l’économie dans ma dépense. Je n’ai pas de scrupule à te prier de me mener chez Mme Pierceau parce que l’argent que nous dépensons en voitures se retrouve par l’économie de l’huile et du bois. Sans cela, mon cher adoré, je suis trop raisonnable et je t’aime trop pour te demander un plaisir qui ajouteraita à ton fardeau. Oui je t’aime, tu peux bien le croire. Je t’aime comme Dieu voudrait être aimé. Je t’aime avec conviction, je t’aime avec religion. Je T’AIME.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 26-27
Transcription de Chantal Brière

a) « ajouterais ».


7 avril [1837], vendredi après-midi, 3 h. ½

J’ai eu la visite de Mme Guérard qui venait me demander des places pour ce soir à la Esmeralda [1]. Je lui ai dit, ce qui est vrai, que tu n’en avais pas et qu’il était probable que tu n’en aurais pas aujourd’hui. J’espère, mon cher petit homme, que tu ne me laisseras pas seule ce soir pour aller à l’Opéra ? Dans le cas où on irait chez toi, tu peux te dispenser d’y aller. Tu travailles, il ne serait pas juste que je restasse à me morfondre tandis que vous iriez vous amuser. Et puis j’ai tant besoin de te voir et de rester un peu avec toi côte à côte. Jourdain m’a rapporté le satin, je crains bien qu’il ne puisse pas l’arranger quoiqu’il ait trouvé un expédient. Je te dirai lequel. Mon Dieu que je vous aime mon Toto, toujours plus, jamais moins. Je voudrais cependant que vous ne vous contentassiez pas toujours mes protestations et que vous veniez voir par vous-même combien c’est vrai. Je vous aime, voilà le fait. Mais il faut que cet amour porte ses fruits sinona c’est un arbre bête et inutile qui n’est pas bon même à jeter au feu parce qu’il ferait de mauvaises cendresb. Jour un petit Toto, jour un vieux chien, le temps s’est encore gâté. CANAILLE, il ferait bon sous de bonnes couvertures avec un petit o. Ça tiendrait chaud et ça ferait du bien au ventre puisque vous ne voulez plus, sous aucun prétexte, vous livrer à aucune liberté envers [Juliette  ?]. Je vais me débarbouiller tristement et me mettre au coin de mon feu comme une pauvre vieille délaissée que je suis et vivre de MES SOUVENIRS. Jour, vous êtes bien coupable ou bien statue de carton-pierre.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 28-29
Transcription de Chantal Brière

a) « si non ».
b) « mauvaise cendre ».

Notes

[1La Esmeralda, opéra en quatre actes a été représenté pour la première fois le 14 novembre 1836 sur la scène de l’Académie royale de musique. Hugo est l’auteur du livret adapté de Notre-Dame de Paris et Louise Bertin a composé la musique.

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