Jeudi soir, 7 h. ¼
Je t’écris avant dîner parce que j’avais prévenua qu’en général, je ne voudrais dîner qu’après que tu étais parti, c’est-à-dire de 7 h. à 7 h. ½. C’est ce qui est cause du retard aujourd’hui.
Mais que je t’aime donc, mon Victor adoré, que je t’aime, je ne peux pas te le dire assez. Je t’aime au-dessus de tout, je t’aime comme je t’aime, je ne peux pas dire mieux parce que mon amour n’a de comparaison avec rien.
Tu as été bien bon de venir me chercher tantôt. Tu m’avais laisséeb dans l’impression d’une maussaderie bien injuste de ta part. Enfin, tu as réparé et effacé cette petite anicrochec de bouderie sans savoir pourquoi. Nous sommes bien à présent et aussi geais que le permettent le temps et les circonstances.
J’espère que tu viendras assez tôt pour me lire les belles choses que tu as faites dans le bois de Chantilly. Je donne ma part de Turcaret, pour ainsi j’en suis bien la maîtresse [1]. Ce serait un peu dur de café que je n’aie pas les mêmes privilèges que Mme Boulanger. Je ferais une fameuse moued si tu ne m’apportais pas les deux manuscrits [2] ce soir. Je ne t’embrasserais que dix cent mille de fois pour t’apprendre, voilà. A bientôt toujours.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 94-95
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « prévenue ».
b) « laissé ».
c) « ce petit anicroche ».
d) « mou ».