Guernesey, 13 décembre [18]64, mardi matin, 8 h. ¼
Good night my dear little Toto, comment vô pôtai vô ojod’houie ? Je crains d’après votre balcon vide [1], que vous n’ayez pas mieux dormi que moi et j’en bisque affreusement, c’était bien la PEINE d’avoir tant de bonheur hier et de prendre tant de précautions hygiéniques pour aboutir bêtement à une nuit blanche ? Quand je dis blanche, c’est grise que je devrais dire pour rester dans la couleur de la mienne, de nuit. Entendu que j’ai eu quelques moments de sommeil par-ci par-là ? Mais, toi, mon pauvre adoré, comment as-tu dormi ? Je ne le saurai que tantôt mais jusque-là je ne peux pas m’empêcher d’avoir mauvaise opinion de ta nuit. Nous verrons si je serai agréablement désabusée quand je te verrai.
C’est aujourd’hui mon anniversaire d’exil [2], à moi, c’est-à-dire un jour béni entre tous les autres jours puisque c’est celui qui a fait cesser les plus cruelles angoisses que j’aie eues de ma vie en me réunissant à toi. Aussi, loin de te faire la grimace et de lui dire raca [3] à ce pauvre anniversaire, je lui souris et je l’aime et je te prie d’en faire autant pour lui de ton côté. Je te fais penser que je n’ai plus de papier ni blanc, ni bleu, ni jaune ce qui n’est peut-être pas un mal au point de vue de mes niaises élucubrations mais ce qui pourrait te gêner dans ton travail où dans tes lettres à un moment donné où tu voudras écrire chez moi. Cet avis donné, cela ne me regarde plus et je m’en lave les mains à la conditiona que vous me kis my cuique, cuique, cuique [4].
BnF, Mss, NAF 16385, f. 264
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « la conditions ».