Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Octobre > 22

22 octobre [1843], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon Toto adorable toujours plus beau et plus charmant et toujours plus aimé et adoré. Comment vas-tu ce matin ? Comment vont tes bons enfants ? Embrasse-les pour moi tous ces chers bien-aimés.
J’ai peur que tu n’aies eu froid cette nuit. Je sais que tu as travaillé une partie de la nuit mais je crains que selon ta mauvaise habitude, tu n’aies pas fait faire de feu. C’est une négligence très dangereuse, mon pauvre petit bien-aimé, parce que cela peut de redonner tes douleurs rhumatismales, sans parler de tous les dérangements plus ou moins graves que cela peut causer dans ta santé. Il faut absolument, mon cher amour, puisque la nécessité de fournir à tous mes besoins te force à travailler toutes les nuits, faire faire un très bon feu dans ta chambre le soir au moment où les bonnes vont se coucher. On le couvre et lorsque tu rentres, tu n’as plusa qu’à le ranimer. J’insiste, au risque de t’ennuyer sur un point des plus importants de ta santé. Cette négligence que tu as eu jusqu’ici peut avoir des conséquences tristes et mauvaises si tu y persistesb. Je t’en prie, mon Toto chéri, fais cela pour moi si ce n’est pour toi. Que je n’aie pas le remord toutes les nuit de sacrifier ton repos et ta santé à mes besoins de la journée. J’ai besoin de ta santé pour être heureuse. J’ai besoin de ton amour pour vivre. Si tu savais combien c’est la sainte vérité, tu aurais pitié de toi et tu ne te négligerais pas avec cette courageuse indifférence. Pense à moi mon amour, prends soin de toi et aime-moi.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime, qu’on vous dit. Entendez-vous ? Comment va votre chère petite oreille ? Venez bien vite que je la baise et que je m’assure qu’elle entend bien ce que je vous dis.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 233-234
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « plus » écrit deux fois.
b) « persiste ».


22 octobre [1843], dimanche soir, 10 h. ¾

Je t’écris bien tard, mon cher adoré, parce que j’ai eu ma pauvre Joséphine à dîner. Elle vient de s’en aller tout à l’heure et je t’écris en t’attendant. J’espérais que tu serais venu avant ton dîner me voir un peu et tu n’es pas venu. Est-ce que tu es malade ? Je pense, au même moment où je t’écris cela, que Boulanger a dû revenir du Havre aujourd’hui.

23 octobre [1843], lundi matin, 10 h. ½

Mon gribouillis n’a pas été interrompu par le brouillard comme les nouvelles télégraphiques. Mais par le soleil. Oui, mon adoré, vous êtes le soleil de ma maison, de mes yeux, de ma vie, de mon cœur et de mon âme. Quand je vous vois tout mon intérieur, toute mon existence rayonnent et s’emplissent de joie. Je suis éblouie et ravie. Hélas ! c’est bien dommage que vos apparitions soient si rares et si courtes.
Pauvre bien-aimé, tu n’es pas revenu cette nuit parce que tu as travaillé une grande partie de la nuit. Mais tu aurais pu venir le matin, tu te serais reposé tant que tu aurais voulu. J’aurais eu tant de douceur à te sentir auprès de moi, à te réchauffer, à te caresser et te dorlotera dans mes bras. Tu as bien mal fait de ne pas venir. Voilà bien longtemps que cela ne t’est pas arrivé. Il ne faut pas prendre cette triste habitude, mon Toto, car elle te mènerait en très peu de temps à l’indifférence pour ta pauvre Juju et tu sais qu’elle ne vit que pour ton amour et par ton amour. Il faut que tu reviennes toutes les nuits ou au moins le plus que tu pourras mon adoré. Cela te donnera du courage et des forces loin de les diminuer. Ainsi, mon Toto, vous ne devez pas me refuser.
J’ai reçu une lettre de Claire ce matin. Elle a tenu tout ce qu’elle avait promis. La pauvre enfant espère que Mme Marre la laissera sortir à la Toussaint. Moi je l’espère aussi car c’est une grande douceur pour moi que la présence de cette enfant dans ma maison. Le montant de la pension et les diverses fournitures monte à 173 francs 35 centimes. J’en ai la note détaillée. Mais je t’aime et je veux te le dire encore, c’est plus important pour moi que le reste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 235-236
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotter ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne