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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 juin 1842

28 juin [1842], mardi soir, 5 h. ½

Vous mériteriez bien, mon amour, que je ne vous regarde plus en aller jamais de la vie ni des jours. Déjà l’autre fois vous ne vous êtes pas retourné, et aujourd’hui vous n’avez pas seulement fait mine de vous douter qu’il y avait à la fenêtre une pauvre Juju amoureuse qui vous suivait du regard aussi longtemps que la rue le lui permettait. Vous êtes une bête mon Toto, avec tout votre esprit, d’oublier ces bonnes traditions d’amour. Pour vous punir, je ne me mettrai plus à la croisée. Il est vrai que cette punition ne punirait que moi puisque vous ne vous en apercevrez pas. Décidément je suis très embarrassée. Le mieux serait de ne plus vous aimer. Triste mieux et dont je n’essayerai pas. Je viens de finir justement mon nettoyage. Je me suis fait très mal à la tête et encore n’ai-je pas réussi à me coiffer. Plus je vais, plus j’expérimente la chose et plus je reconnais que j’ai absolument besoin d’un coiffeur. Quand tu voudras m’en donner un, tu me feras plaisir et tu me rendras un véritable service en même temps. Maintenant je ne t’en parlerai plus. Je voudrais bien savoir comment M. Louis a trouvé notre cher petit malade ce matin [1]. Je voudrais savoir si j’aurai aussi un dessin, moi qui me sacrifie pour tout le monde. Je voudrais savoir si je vous verrai bientôt mais surtout je voudrais bien savoir si vous m’aimez et comment vous m’aimez. Je vous attends avec impatience mon toto ; vous seriez bien gentil de venir tout de suite m’apporter votre cher petit museau à gronder et à caresser. Comment vont vos deux petites pattes ? Il me semble que vous ne souffriez pas trop tantôt ? Je suis toujours pour ce que j’en ai dit, plus on fait agir le membre endolori et plus la douleur s’éteint et se déplace. Maintenant faites-en ce que vous voudrez, vous êtes tout à fait le maître d’assaisonner votre rhumatisme à la sauce qui vous plaira le mieux et qui vous soulagera davantage. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 189-190
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor, fils de Victor Hugo, lutte contre la maladie.

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