Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Mai > 30

30 mai 1842

29 mai [1842], dimanche soir, 10 h. ¼

Vous êtes mon cher petit homme bien-aimé que j’aime et que j’adore, mais je ne vous vois pas assez. Vous êtes à tout et à tous excepté à moi. Merci vous ? mon amour, je vous demande pardon.

30 mai [1842], lundi matin, 9 h. ¾

Je vous demande encore pardon, mon Toto, parce que vous avez été bien gentil hier mais je vous rebougonne pour aujourd’hui parce que vous n’êtes pas revenu ce matin. Si j’avais su je ne vous aurais pas donné mon petit couteau. Rendez-le moi tout de suite, vieux vilain. Vous allez encore laissera revenir la fameuse épouse pour prétexter le barrage de rigueur, mais je ne serai pas votre dupe, je vous en avertis. Dites-moi donc, mon amour, comment va votre fameux bobo  ? J’ai oublié de vous en demander des nouvelles mais vous ne perdrez pas pour attendre car je compte m’assurer de visu dans quel état se trouventb vos affaires. Si cela vous contrarie, j’en suis fâchée mais je n’en ferai pas moins une inspection générale et minutieuse de toutes vos [choses  ?]. Vous n’avez qu’à bien vous tenir, scélérat, car je serai armée de mon grand couteau. Taisez-vous et montrez-moi vos pièces justificatives. Je n’écouterai que ce que je verrai. En attendant, donnez-moi votre museau que je le baise et tâchez de me faire sortir tantôt car il fait bien beau. Bonjour je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 89-90
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « laissez ».
b) « trouve »


30 mai [1842], lundi matin, 10 h.

Je vous dois un gribouillis d’hier, mon Toto, il est trop juste que je vous le paie. Vous vous passeriez fort de ce scrupule mais moi je ne me passerai pas aussi facilement de vous faire enrager et de vous dire un peu chemin faisant tout ce que j’ai sur le cœur d’amour, de tendresse et d’adoration. C’est pour cela que je suis si ponctuelle. Donc mes gribouillis ne pourront vous étouffer de caresses, je vous assomme de stupidités. C’est à vous de choisir entre ces deux affreuses extrémités. Quant à moi il me faut l’un[e] et l’autre de ces deux choses. Pourquoi n’êtes-vous pas revenu ce matin, mon Toto chéri ? Vous vous couchez bien deux heures par jour quand le diable y serait ? Eh ! bien, pourquoi ne pas donner la préférence à mon lit sur le vôtre, voilà tout ce que je vous demande, ce n’est pourtant pas trop excessif. Autant moi qu’une AUTE [1]. Vous êtes très gentil, très beau, très doux et très charmant, mais vous ne m’aimez plus, je n’ai pas le plus petit doute à conserver à ce sujet car depuis deux ans il est impossible d’être plus complètement froid et même rien du tout en fait d’amour que vous l’êtes depuis ce temps-là. Il faudra cependant que je m’en explique une fois pour toute avec vous, mon adoré afin de ne plus vous en ennuyer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 91-92
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


30 mai [1842], lundi après-midi, 2 h. ½

Je crois que tu feras très bien, mon adoré, de faire revenir notre pauvre petit garçon parce que cela te rassurera et qu’ensuite tu pourras avoir plus vite les avis de M. Louis. Ce pauvre petit bien-aimé sera d’ailleurs plus content auprès de toi et auprès de sa Dédé et par conséquent sa convalescence n’en ira que mieux. Je n’ai pas assez vu les objets, tantôt je veux les revoir encore et les toucher pour être plus sûre de mon affaire. Voilà comme je suis, moi il faut que je voie plusieurs fois les choses pour ne pas douter. Maintenant, mon cher amour, il faut le plus de bains possible puisque cela te fait du bien et que cela te rafraîchita. Ce sera toujours un bon régime tout le temps que tu travailleras comme un pauvre petit cheval sans t’arrêter ni le jour, ni la nuit. J’ai lu les vers du Baour [2], je t’assure qu’ils ne sont pas mal. Je pardonne au vieux GREDIN ses grands souliers et ses petites trahisons en faveur de l’amende honorable qu’il fait aujourd’hui pieds nus et la corde au cou. Ce pauvre vieux bonhomme a mis les pouces comme il convenait qu’il les mît, je lui pardonne toutes ses turpitudes passées. Mais je ne vous pardonne pas à vous, mon cher scélérat, toutes vos fourberies et tous vos crimes. Je veux que vous me demandiez plusieurs fois pardon et de la bonne manière avant de me laisser fléchir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 93-94
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « raffraîchis ».

Notes

[1Déformation volontaire de « autre ».

[2Pierre Baour-Lormian, académicien qui n’avait pas voté pour Victor Hugo, mais lui avait écrit. Il était atteint de cécité. Hugo date de mai 1842 un poème en réalité composé en 1855, paru dans Les Contemplations, « À un poète aveugle » (I, 20), qui lui rend hommage sans le nommer.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne