Guernesey, 5 août [18]70, vendredi soir, 5 h.
Je sais que tes enfants ont décidé d’aller à Jersey demain et je sens que tu en esa triste. Je compte sur le sourire de Jeanne pour dissiper le noir que va faire dans ta vie l’absence de ton Charles et de Petit Georges [1]. Quant à moi, je voudrais à force d’amour te masquer la disparition momentanée de ces deux êtres lumineux, dussé-jeb mettre mon cœur en morceaux. Ce ne sera pas la faute de Petite Jeanne, ni la mienne, si nous ne te faisons pas attendre leur retour sans trop d’impatience. J’espère que tu as pensé à recommanderc tes cartes et tes guides du Rhin et de la Moselle à ton fils afin qu’il ne les perde ni ne les oublie à Jersey. Quant à moi, je n’en réponds plus à partir de ce matin. Je me délecte déjà de la pensée des beaux articles qui vont sortir de ce tête à tête de ton Charles et de ces bouquins hiéroglyphiques, car c’est affaire à lui quand il s’y met [2]. Malheureusement pour les gourmets de son esprit et de son talent, il ne s’y met pas assez souvent. J’ai lu tantôt un bel et bon article de ton fils Victor qui, lui aussi, nous fait trop souvent tirer la langue [3]. Enfin, il faut savoir se contenter de ces trop peu, tous merveilleux, c’est ce que je fais en les admirant (tes fils) et en les aimant à travers mon adoration pour toi.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 213
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « est ».
b) « dussai-je ».
c) « reccommander ».