Guernesey, 3 août, [18]70, mercredi matin, 6 h.
J’espère, mon cher bien aimé, que tu as fait nuit double pour toi et pour moi qui n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Non pas que j’aie souffert d’autre chose que de l’insomnie : l’art pour l’art, c’est aussi bête que ça. Mais pourvu que tu aies dormi comme Petit Georges, à poings fermésa, je suis contente, contente, contente ! D’autant plus contente que je ne crois pas aux régates [1] demain à cause du brouillard qui me paraît très tenace comme s’il avait envie de retenir le plus longtemps possible tes hôtes chez toi [2]. Orb, comme j’ai la même envie, je vois sans chagrin l’ajournement de cette course au pavillon. Quant à la politique, M. Charles voudra bien se contenter de celle qui arrive à Guernesey et dont la fraîcheur ne me semble pas inférieure de beaucoup à celle de Jersey [3]. Donc pas de regret pour l’une et pour l’autre chose et profitons de tout ce qui peut retarder le départ de ces trop aimés fugitifs. Tu me diras ce qu’il faut que je réponde à la lettre des Luthereau. En attendant, je t’embrasse de l’âme et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 211
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « poing fermé ».
b) « Hors ».