Guernesey, 29 juillet, [18]70, vendredi soir, 4 h.
Où en es-tu de ta journée, mon cher bien-aimé ? Moi, la mienne touche à sa fin et j’en suis bien contente, car je vais pouvoir me reposer en lisant mes grands et mes petits Rappels [1]. J’ai fait venir Ambroisinea pour la féliciter de ses deux omelettes proclamées exquises par toute ta table [2]. Je lui ai donné une livre sterling pour les menues dépensesb de ta maison et je lui ai promis en ton nom 24 torchons et six tabliers de cuisine dont elle a absolument besoin pour le service de la cuisine. En attendant, j’en ai prêté des miens pour les besoins du moment. J’ai fait aussi acheter un moulin à café qui a coûté 4 s 50 c, plus le charriage du vin, 2 s, ce qui fait en tout, avec la livre, 30 s 50 en dehors de la dépense courante. Je te dis cela pour que tu saches où passe tout l’argent que tu me donnes au fur et à mesure que je le dépense. Mon Dieu, quel stupide gribouillis ! Et dire que je n’en peux pas faire d’autres. Je viens de voir les Duverdier, moins Mlle Marguerite [3]. Il paraît qu’ils sont toujours décidés à partir mardi prochain puisque ton fils Charles le croit nécessaire pour ses articles au Rappel. Autrement, je crois qu’ils ne demanderaient pas mieux que de prolonger encore leur villégiature auprès de toi, ce que je comprends du reste et ce qui me les rend encore plus sympathiques. Quant à moi, mon bonheur est où tu es mais le tien, hélas ! Où sera-t-il dans huit jours ?
BnF, Mss, NAF 16391, f. 206
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Embroisine ».
b) « dépense ».