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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juin 1872

Paris, 13 juin [18]72, jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher grand bien-aimé, je te pardonne ta monstrueuse jalousie physique et morale d’hier soir à condition que tu auras bien dormi par-dessus elle et que tu m’en aimes d’autant plus ce matin [1]. Quant à moi j’ai dormi du sommeil de l’innocence le plus serré au point d’en avoir encore les yeux à moitié fermés ce matin. Je les ouvre pour te sourire et te rappeler que je t’adore. Je crains, mon pauvre bien-aimé, qu’on ne te demande une chose bien triste et bien fatigante pour toi, celle d’assister à l’enterrement de ce pauvre Chilly [2]. Il me paraît impossible que la famille n’aspire pas à ce suprême honneur et il me semble difficile que tu le leur refuses. Cette pensée me tourmente doublement pour toi à cause de l’émotion douloureuse qu’elle réveillera dans ton cœur si récemment éprouvé par ton Charles et aussi par le danger qu’il y a à faire une longue marche la tête découverte et au soleil. Penses-y, mon adoré, et ne fais pas d’imprudence.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 165
Transcription de Guy Rosa


13 juin [18]72, jeudi, 3 h. ½

Mon cher adoré, s’il y a quelqu’un ou quelque chose entre toi et moi ce n’est pas de mon fait et je n’en ai aucune conscience. Tout ce que je sais, c’est que je t’aime uniquement, sincèrement, fidèlement et saintement et que je veux ne jamais revoir ma fille ni toi dans la vie future s’il y a sur la terre quelqu’un que j’aime plus que toi et je signe J.
Maintenant mon adoré souris-moi comme je te souris et confie-toi à moi comme je me confie à toi [3].

BnF, Mss, NAF 16393, f. 166
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1Cette crise de jalousie donnera lieu à un billet sous forme de serment réciproque échangé le lendemain entre Victor et Juliette. Voir lettre suivante.

[2Le directeur de l’Odéon a fait un malaise pendant le banquet de la 100e de Ruy Blas, offert par Hugo le 11 juin. Reconduit chez lui, il meurt le lendemain.

[3Cette lettre est écrite en réponse à ce billet de Hugo : « 13 juin [1872] / Écoute, ma bien-aimée, je n’ai pas dormi de la nuit, je suis profondément triste. Il me semble qu’il y a quelque chose ou quelqu’un entre nous. Pourtant je suis sûr que ce n’est pas de mon côté. Hier soir, tu m’as fait une question qui m’amène à te dire, et à t’écrire, ceci : je veux ne jamais revoir ma fille ni toi dans la vie future s’il y a sur terre quelqu’un que j’aime plus que toi. — Et je signe / V. / Écris-moi et signe-moi J. la même déclaration, et je dormirai la nuit prochaine. Je t’adore. » (édition de Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 222).

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