Guernesey, 27 juillet, [18]70, mercredi soir, 2 h. ½
Je te remercie, mon bien, bon et bien adorable bien-aimé, de l’offre que tu me fais de faire venir pour quelques jours mon neveu [1] souffrant et désorienté par cette méchante guerre qui l’empêche d’aller rejoindre sa femme et ses petits enfants à Iéna [2]. J’ai accepté tout d’abord ton offre si gracieuse en pensant à la joie que lui ferait l’honneur d’être ton hôte pendant quelques jours. Puis j’ai eu peur pour lui et pour moi de ton entourage, excellent d’ailleurs, mais parfaitement moqueur et je crains d’accepter [3]. Les Bretons ont la tête dure, c’est vrai, mais ils ont aussi le cœur très sensible. Cela étant, je retiens ta bonne invitation pour une autre année où tu seras tout à fait seul ici avec moi. Je lui écrirai dans ce sens-là de façon à ce qu’il ait le plaisir de la reconnaissance pour ta bonne volonté pour lui. L’important est que tu sois heureux et que tu jouisses en paix du bonheur de voir s’épanouir à tes côtés tes deux ravissants petits enfants [4], les plus beaux et les plus doux qu’on puisse trouver en ce monde. En attendant, on dit que M. Busnach s’en va demain... Si cela est, ton fils en sera peut-être un peu moins gai. À ce point de vue-là je le regretterais, autrement [cela] m’est égal. Pourvu que tu m’aimes autant que je t’adore, je me fiche de tout.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 204
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette