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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 novembre [1839], vendredi soir, 8 h. ¾

Cher adoré petit homme, je ne t’ai pas encore écrit depuis tantôt parce que j’ai eu la couturière et ensuite Mme Lanvin qui venait de conduire Claire chez son père aujourd’hui et puisqu’elle avait une commission pour toi de la part de Mr Pradier qui désire avoir ton avis sur le monument de Molière [1] dont j’ai chez moi une espèce de spécimen. Ensuite dans l’intervalle de ces deux femmes les soins indispensables à donner au ménage et à ma toilette. Bref je ne t’ai pas écrit plus tôta pour avoir plus de loisir et pour être plus seule avec mon amour. Pauvre bien-aimé adoré, je ne t’ai pas revu depuis tantôt. Tu es sans doute assailli par les directeurs ou par des ennuyeuxb, ce qui est synonyme, mais tâche de penser à moi et de m’aimer malgré tout et malgré eux. Mme Lanvin a dînéc avec moi, bien entendu, elle vient de s’en aller il y a un quart d’heure. Je lui ai dit ce que tu faisais pour moi et pour ma fille et la pauvre femme en a été au comble de la joie. Il est impossible de comprendre mieux qu’elle ne le fait (nous exceptés) quel bonheur nous nous préparons et la générosité admirable que tu montres dans toute cette affaire. Quant à moi, je n’apporte rien que de l’amour mais Dieu sait que le jour où il faudrait que je sois généreuse à mon tour serait le plus beau de ma vie. En attendant je t’aime et eusses-tud à mon service tous les trésors de l’univers j’aurais encore plus d’amour [illis.]. C’est bien vrai, mon adoré, c’est bien vrai. Aime-moi, voilà la vraiee richesse que je désire et que j’ambitionne. Je voudrais bien te voir, mon adoré. J’ai des compliments à vous faire sur la merveilleuse adresse que vous déployez dans la manière de vous barbiffier. J’ai presque envie de vous prendre à mon service. Baisez-moi, vieux scélérat. Tâchez de venir car je trouve le temps bien long sans vous. Il ne faut pas me faire acheter par trop d’impatience et d’ennui le bonheur que j’ai eu ce matin. Je vous aime qu’on vous dit. Je vous adore ainsi je ne peux pas rester des jours entiers sans vous voir. J’espère que c’est clair, ça ? Et que vous n’avez rien à répliquer, sinonf à venir tout de suite baiser votre pauvre

Juju

BnF, Mss, NAF 16340, f. 79-80
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « plutôt ».
b) « ennuieux ».
c) « dîner ».
d) « eusse-tu ».
e) « vrai ».
f) « si non ».

Notes

[1La Fontaine Molière, édifiée en 1844, rue de Richelieu, en face de l’ancienne maison de Molière, fut financée sur souscription nationale. La statue centrale de bronze est l’œuvre de Bernard-Gabriel Seurre. James Pradier est l’auteur des deux statues latérales La Comédie légère et La Comédie sérieuse. Quelques jours après cette lettre, Pradier écrit à Juliette pour lui demander de remercier Hugo qui a accepté de venir voir ses esquisses : « Veuillez, je vous prie, lui faire de ma part mille remerciements de sa bonne volonté à m’aider dans le choix de mes compositions. Je connais J. Janin, Planche, etc., mais V. H., celui-là, je le préfère. Je suis en train de faire mes esquisses en terre. Aussitôt faites, j’aurai le plaisir de vous écrire pour l’avertir et le prier de venir les voir. » (James Pradier, Correspondance, t. II, édition citée de Douglas Siler, p. 194).

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