Guernesey, 7 déc[embre] [18]72, samedi matin, 7 h. ¾
Cher bien-aimé, rien n’a manqué à ton entrée tout à l’heure : canon, soleil, amour, tous nous avons crié : PRÉSENTS ! Le canon a fait BOUM ! Le soleil a tiré ses rayons de son fourreau de pluie et moi j’ai dit : Je t’aime ! Si ta nuit, comme je l’espère, a été bonne j’en suis heureuse ; et si tu m’aimes, comme je le crois, quel BONHEUR !!! La pauvre Mme Marquand en avait dans l’aile hier et pouvait à peine parler et se traîner. Quel malheur que cette excellente femme soit en proie à cette dépravation de goût qui la ravale avec tous les Lorgerils [1], panachés et [emplumetés ?] de royalisme et de bonapartisme. Hors de là, la pauvre créature, quand elle est à sec de gin, est la meilleure et la plus charmante femme possible. Malheureusement, on ne sait jamais avec certitude dans quel moment il faut la prendre pour éviter son inconvénient soulographique. C’est pourquoi il serait à désirer que d’elle-même elle s’abstînt de venir à la fête des enfants [2]. C’est bien difficile de le lui laisser sous-entendre mais ce serait bien embarrassant si elle venaita dans l’état où elle était hier. Heureusement que tu trouveras moyen, dans ton ineffable bonté, de tout concilier pour elle et pour tous ceux qui lui tiennent de près : Père, mère et mari. Moi, je les plains tous également. Je vais me mettre dare, dareb, tout à l’heure à copier les nos d’ordre des actions dont je garderai un double pour n’avoir plus à recommencer ce travail fastidieux. Et mon Ségur [3] ? Je veux Ségur ! Qu’on m’apporte Ségur ! Ségur for ever ! Ségur ou la mort. Je le demande à cor et à cri ! Tout de suite ! Sans retard, sans remise, sans rémission.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 337
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette
a) « vient ».
b) « dar, dar ».