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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er décembre 1872

Guernesey, 1er déc[embre] 18[72], dimanche 8 h. ½ du m[atin].

Cher bien-aimé piocheur, d’après tes habitudes extra matinales, j’ai tout lieu de craindre que tu n’aies passé une mauvaise nuit, ce qui diminue beaucoup le bonheur que j’ai eu à te voir tout à l’heure. Je te guettais dès avant le coup de canon pour ne pas te manquer au passage, d’abord, et pour t’envoyer à temps ton petit livre de travail, ce qui avait pour moi presque la même importance et je crois que j’ai réussi. N’était la pensée que tu as mal dormi, mon bonheur serait complet ce matin et Dieu ne le veut pas pour ne pas me laisser prendre de mauvaises habitudes probablement. Je voudrais bien avoir son autorité pour te faire perdre celle de déformer à plaisir le service de mes servantes. À force d’être trop bon pour elles tu finis par ne l’être pas assez pour moi en me forçant de réagir tous les jours contre tes doctrines anti-sociales. Je te prie, mon cher bien-aimé, de ne pas me rendre ma tâche plus difficile qu’elle l’est déjà. Sois ce que tu veux chez toi, c’est juste et jamais je n’interviens, tu le sais, ni pour critiquer, ni pour t’obliger à faire le contraire de ce qui te plaît. Je ne tourne même pas la tête de ce côté-là pour éviter toute tentation à ce sujet-là. Fais-en autant pour moi si tu peux et je t’en serai très reconnaissante. Il y a un proverbe qui dit : « chacun son métier, les vaches seront bien gardées ». À toi celui de Génie, à moi celui de ménagère. N’empiétons donc pas sur nos attributions respectives et tout ira bien. Dieu, quelle lettre insipide tu t’es attiré mon pauvre grand homme, mais aussi c’est ta faute : pourquoi êtes-vous trop bon ? C’est bien fait ! Mais je t’en demande pardon et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 331
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

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