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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 4 nov[embre] [18]72, lundi soir, 6 h.

Cher bien aimé, ma pauvre restitus est fortement desheurée aujourd’hui grâce au ménage à fond et au jour court.

Mardi matin, 7 h. 20 m.

Je ne m’excuse pas, mon cher adoré, de n’avoir pas fini mon gribouillis hier soir comme nous en étions convenus, parce que j’ai craint d’avoir l’air de traiter tes hôtes avec trop de sans façon en les laissant pendant ton absence. Ce scrupule m’a déjà coûté deux joies : la première celle de t’écrire ma pauvre restitus hier soir, la seconde de te la voir lire ce matin. Il est vrai que tu as eu l’adorable bonté de rester malgré la pluie presqu’autant de temps sur ton toit tout à l’heure que tu en mets tous les jours à déchiffrer mes tendres élucubrations quotidiennes [1]. Je t’en remercie du fond du cœur ; je te souris et je te bénis. J’espère que, malgré toutes tes inquiétudes à propos de ton fils [2], tu as eu une bonne nuit. Cependant je n’en suis pas assez sûre pour m’en réjouir. J’attendrai pour cela que tu me disesa toi-même comment tu as dormi et si ta santé ne se ressent pas de l’affreux temps qu’il fait. Quant à moi, je suis si souffrante ce matin que je suis revenue me blottir dans mon lit, espérant à force d’immobilité et de chaleur calmer les atroces douleurs que j’ai dans la région de l’estomac et dans les reins. Jusqu’à présent ma dorloterieb n’a pas grand succès, cependant je persiste faute de mieux. Mais aussi quel temps ! Les marsouinsc eux-mêmes en attrapent des rhumatismes ; heureusement que j’ai une panacée qui ne manque jamais son effet : Je t’adore. Ça n’est pas plus malin que ça.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 305
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « dise ».
b) « dorlotterie ».
c) « marsoins ».

Notes

[1Chaque matin, Victor Hugo sort sur son balcon pour y accrocher un morceau de tissu blanc, que Juliette guette et aperçoit de sa fenêtre, indiquant qu’il est levé. Il en profite également pour lire la lettre que Juliette lui a écrite la veille.

[2Juliette Drouet et Victor Hugo ont appris quelques jours plus tôt que François-Victor Hugo, resté en France, est malade, sans savoir encore de quel mal il souffre. Il mourra l’année d’après, le 26 décembre 1873 de la tuberculose.

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