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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 janvier [1836], vendredi matin, 10 h.

Bonjour mon cher petit adoré, bonjour. Comment vont tes petits boyaux ? J’en suis bien en peine sachant que tu t’obstinesa à travailler toutes les nuits, malgré cela. Moi, j’ai dormi comme un sabot, ce qui ne m’a pas empêchéeb de penser à toi et de t’aimer de toute mon âme.
Je vais me lever aussitôt que je t’aurai écrit, pour faire mon ménage, mon pot au feu et pouvoir être prête dans le cas où tu viendrais me chercher. Il fait bien beau. Manière n’a pas encore envoyé mais il est encore bien bonne heure. Sais-tu que ta bûche ne s’est pas éteinte le moins du monde et qu’on l’a retrouvée ce matin tout à fait en feu ! Voilà ce qui fait que nous brûlons la chandelle par les deux bouts tout en voulant faire des économies.
Mon cher petit Toto, je t’aime. Je voudrais devenir une grande ACTEUSE, d’abord pour jouer tous VOS RÔLES, et puis pour gagner beaucoup d’ARGENT, et puis pour vous ENRICHIR ce qui serait assez PHAME. Voilà les raisons qui me font désirer d’être quelque chose. Ce sont toutes des raisons d’amour, des raisons de jalousie, des raisons de tendresse. Je te prie, mon cher petit bien aimé, si tu vois jour à me faire avancer d’ici peu d’y employer tous tes moyens, tu me rendras un grand service et tu me feras un grand bonheur tout à la fois.
Je t’aime tant mon adoré, je serais si fière et si heureuse de m’élever par toi et de te soulager dans la charge que tu as prise sans calculer tes forces et tes ressources, que tu peux bien me pardonner ce mouvement d’ambition qui n’est que de l’amour.
Je te baise sur tes lèvres fraîches et parfumées comme un bouquet.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 47-48
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon, Massin, Blewer]

a) « obstine ».
b) « empêché ».


29 janvier [1836], vendredi soir

Je vous ai à peine entrevu, mon cher bien aimé. Je ne sais pas ce que vous devenez, mais il me paraît démontré que vous ne vous occupez que très peu ou pas du tout de votre pauvre Juju. Elle, c’est bien différent ; elle, elle ne s’occupe que de vous, ne pense qu’à vous, ne parle que de vous. Car elle vous aime, cette pauvre Juju-là, plus que vous n’avez été et ne serez jamais aimé, mon bon petit chéri. Mme Pierceau s’en est allée il y a un quart d’heure, et quelques minutes après Lanvin est parti à son tour. Je vous rends compte de toute ma journée à une mouche près. Vous avez paru étonné tantôt de ce que je n’avais pas lu mon journal ; cependant il n’y a rien de simple quand, comme moi, on a l’ouvrage d’une servante et la sienne propre à faire. Au reste, mon enfant, je suis sûre de moi et je sais que tous tes soupçons quand il t’arrive d’en concevoir sont parfaitement injustes.
Je vous aime mon Toto, voilà votre verrou le plus gros et le plus fort.
Je vous aime, ce mot-là est une garantie pour le présent et pour l’avenir. Je voudrais bien, mon cher petit homme, que vous veniez très tôt ce soir. J’ai un tas d’amour arrêté sur mes lèvres et dans mon cœur, qui ne demande pas mieux que de déborder sur votre bouche en torrents de caresses.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 49-50
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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