Guernesey, 9 décembre, [18]65, samedi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’adore. Il est probable, au train dont tu mènes ta vie, que tu es déjà levé depuis longtemps. Quant à moi, c’est à grand peine si j’ouvre mes yeux, tant ils sont encore remplis de sommeil ce matin depuis que je me suis couchée hier au soir. Je n’ai presque fait qu’un somme : je voudrais être sûre qu’il en est de même pour toi. En attendant, je ne sais où me fourrer pour éviter les rayons de soleil qui remplissent mon lit en ce moment. Quel beau temps ! Il ne tiendra pas à moi que nous en profitions tantôt car je vais me dépêcher de faire ton café dare darea pour être prête à temps. Et ton portrait, MALHEUREUX ? Et le mien, MALHEUREUSE [1] ? Le temps est venu de nous EXÉCUTER… en effigie. En attendant MIEUX. Vous voyez que j’ai la jocosité [2] aimable ce matin. Cela tient, à ce que je crois, que vous avez passé une very good nuit, que vous vous portez bien et que vous m’aimez. Si je me trompe, dites-le-moi, et vous verrez ma gaité tourner au noir sans aucune transition. Je vais essayer d’obtenir quelques renseignements de Naftel sur le bâtiment qui lui a apporté l’eau de Seltz [3]. Malheureusement, Suzanne n’est pas très entendu pour ce genre de commission et je crains qu’elle ne le fasse mal. Enfin je vais en essayer. Je te dis tout cela sans grande nécessité mais par la force de l’habitude de te dire tout ce qui me passe par la tête comme tout ce que j’ai dans l’âme. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 201
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « dar, dar ».