Guernesey, 17 mai [18]68, dimanche matin, 7 h.
Encore et toujours une excellente nuit. Et toi, mon cher bien-aimé ? J’attends ta réponse de pied ferme. Il paraît que Suzanne tourne au Burty et si elle ne vient pas demain [1] je ne saurai qu’en penser surtout ne recevant aucune explication de ce retard. Au reste, je n’ai jamais eu très grande opinion de ce voyage qui n’est, je le crains, qu’une préparation à une séparation prochaine de nous. Si je me trompe, j’en serai charmée mais malheureusement je crois être sûre du contraire. En attendant, nous continuons nos ravissantes excursions dans notre chère petite île et nous n’en sommes pas moins heureux malgré ce petit souci de domestique. Je regrette maintenant de m’être engagée à rouvrir ma porte aux Marquand jeudi prochain, à présent que la venue de Suzanne est problématique. Enfin tu en seras quitte pour les héberger dans ta charmante salle-serre à manger. Moi, pourvu que je ne perde pas une goutte de ton amour ni une seconde de ton temps, tout m’est égal et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 135
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette