Guernesey, 12 mai [18]68, mardi, 2 h. ½ après midi
Je te donne mon cœur en bloc, mon cher adoré. Je t’aime, je t’adore et je baise tes quatre petites pattes con amore [1]. Je n’ai qu’une minute. Je te la donne avec ma vie tout entière. Je vais me dépêcher de me débarbouiller IN HASTE [2] pour ne pas perdre une goutte de la voiture tout à l’heure. Il est probable que tu as reçu des nouvelles de ton MÔSIEUR [3] t’annonçant sa visite et le motif du retard qui l’a empêché de venir plus tôt. Mais j’aimerais mieux pour mon goût qu’il ne vînt pas du tout. Heureusement que je n’y peux rien, ce qui fait qu’il viendra quand il voudra. Je sens que j’ai une croûte épaisse de stupidité dont je ne peux pas me débarrasser en ce moment. Pardonne-moi, plains-moi et aime-moi.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 130
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette