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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Mercredi, 13 avril [1842], 9 h. ¼ du matin

Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon cher petit taquin, bonjour mon cher petit méchant, comment allez-vous, comment m’aimez-vous ? Répondez, mon cher petit scélérat, et je vous pardonne tous vos trimes si vous me dites que vous allez bien et que vous m’aimez un peu de TOUT votre cœur. J’espère que d’ici à deux jours nous allons enfin nous régaler d’un petit DÉJEUNER un peu soigné. Pour mon compte, j’y ferais honneur quand je devrais payer mon écot double, triple et quadruple. Je suis décidée à m’en donner par les yeux, par le nez, par la bouche et PAR TOUT. Je veux m’en donner pour le mois passé. Apprêtez-vous à lutter de GEULE avec moi car je vous enfoncerai sans pitié et sans quartier. En attendant, je vais faire de mon mieux pour passer le temps d’ici là. Ça ne sera pas très facile, car ma patience et mon courage sont à bout.
J’ai toujours mal à la tête. Ce temps-là en est un peu la cause, mais ça n’en est pas plus consolant. J’ai bien besoin de notre voyage, mon amour, pour m’ôter tous mes maux et pour me redonner de la joie et du bonheur. Je t’assure que si cette année se passait aussi tristement que l’autre que, malgré moi, cela me jouerait un mauvais tour [1]. Je n’ai de courage et de résignation que dans l’espoir ravissant d’un voyage de deux mois cette année, mais si je le perdais, je sens en moi quelque chose de ma vie qui n’y résisteraita pas. Mon amour bien aimé, pense que je ne vis qu’en toi et que depuis bientôt deux ans je t’ai à peine vu quelques minutes par jour. Nous ferons notre voyage, n’est-ce pas mon amour ? Et très tôt, n’est-ce pas mon bien aimé ? Et très long, n’est-ce pas mon adoré amour bien aimé ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 269-270
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « résisterais ».


13 avril [1842], après-midi, à 4 h.

Ah ! je l’attends, je l’attends, je l’attends l’attendrai-je encore longtemps ? Je chante ce refrain depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre sans pouvoir me donner une bonne réponse au dernier hémistiche de ma sempiternellea et embêtante chanson. Où êtes-vous, affreux voyou que vous êtes ? Où êtes-vous que je vous envoie tous les baisers que j’ai sur les lèvres et tout l’amour que j’ai dans le cœur ? Où êtes-vous, cher petit monstre d’homme, que je vous prenne par le bout du nez et que je vous amène de force chez moi ? Si je savais où vous êtes, je n’y manquerai pas vous pouvez y compter. Dites donc, vieux bonhomme, tâchez tout de suite de venir si vous comptez souper dans mon établissement ce soir, car mon garde-manger est à CHESSE et que les marchands de viande et autres vont se coucher tout à l’heure. Ainsi, dépêchez-vous, mon adoré, et n’arrivez pas trop tard à la soupe. Au lit et à l’amour comme toujours. Venez, mon Toto bien aimé, venez vite, mon amour, ça presse beaucoup, car je suis pleine de toutes sortes de tendresses qui me débordent. Venez donc dare-dareb. Je vous aime Toto, je vous aime que c’enc est révoltant. Baisez-moi, scélérat, c’est vous qui en êtes cause que je vous aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 271-272
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « simpiternelle ».
b) « dardar ».
c) « s’en ».

Notes

[1Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. L’année précédente, le poète était trop occupé à la rédaction de son ouvrage Le Rhin et leur voyage annuel n’a pas eu lieu. Il sera de nouveau annulé cette année.

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