Guernesey, 28 janvier [18]70, vendredi, 5 h. ¼ du s[oir]
Rien qu’un mot mais qui en contient plus qu’il n’est gros : JE T’AIME ! Ma vie, mon cœur, mon âme y sont contenus tout entier. J’ai fini ma tâche, mon cher adoré, ce qui me permet de me payer le reste de ma restitus en t’attendant. Où es-tu en ce moment ? Que fais-tu ? A qui et à quoi penses-tu ? Ma pensée sonde tous les horizons. Sans rien découvrir. Peut-être es- tu chez l’amoureux d’en face [1], peut-être aussi es-tu en train d’attraper une onglée sous prétexte d’un passus à dix degrés au-dessous de zéro. Pourvu que le refroidissement n’aille pas jusqu’à ton amour, c’est moins inquiétant pour moi. Cependant je serai bien contente si tu venais te réchauffer bien vite auprès de mon feu qui flambe en ton honneur pendant que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 29
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette