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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 28 août [18]68, vendredi matin, 8 h.

C’est sous la protection de ta chère âme [1] que j’ai mis ton sommeil cette nuit, mon pauvre cher bien-aimé, en la priant d’écarter de tes rêves tous les souvenirs douloureux de la lugubre journée d’hier. J’espère qu’elle m’a entenduea et que tu as bien dormi. Désormais, c’est à ce doux et glorieux témoin de ta vie en ce monde, et maintenant ta radieuse protectrice auprès de Dieu, que je demanderai pour toi la paix et le bonheur dont tu as besoin pour achever les grands travaux humanitaires auxquels tu t’es dévoué. Que Dieu la bénisse et te bénisse comme je la bénis et te bénis. Plus je pense au triste voyage de ce soir, plus je sens que je dois m’abstenir d’en faire partie [2]. L’hommage pieux de mon cœur envers cette grande et généreuse femme ne doit pas s’exposer à être mal interprété par des indifférents ou des malveillants. Encore ce dernier sacrifice à la malignité humaine pour avoir le droit de nous aimer ensuite à ciel ouvert, n’est-ce pas, mon cher bien-aimé ? Et puis, que rien jamais ne nous sépare ici-bas, ni là-haut, tel est mon vœu ardent.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 237<br /
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon, Blewer]

a) « elle m’a entendu ».


Bruxelles, 28 août [1868], vendredi soir, 5 h. ½

Mon âme et ma pensée sont avec toi et avec ta chère morte. Je suis triste et navrée, non pour cette angélique et sublime femme qui resplendit maintenant dans le monde des âmes pendant que nous la regrettons ici, mais pour toi, mon grand éprouvé, dont elle était la sainte et digne compagne, mais pour tes chers enfants dont elle était l’orgueil et la joie, mais pour moi dont elle était la réhabilitation délicate et discrète. Mon cœur est traversé par toutes vos douleurs, mes pauvres affligés, et j’ai dans mes yeux toutes les larmes de vos yeux. Cher adoré, je prie ta femme de te donner tout le courage dont tu as besoin. Que son souvenir te reste doux et charmant, et bienfaisant comme l’était son exquise personne vivante. Je te confie à elle comme je me confie à toi et je vous bénis tous les deux.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 238
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon, Massin]

Notes

[1Adèle Hugo est morte la veille, suite à une attaque d’apoplexie.

[2Le corps d’Adèle Hugo est emmené à Villequier pour y être inhumé près de celui de sa fille Léopoldine. Victor Hugo accompagne le cortège jusqu’à la frontière française le vendredi 28 août 1868 au soir. Juliette Drouet ne fait donc pas partie du cortège.

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