Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Août > 6

6 août 1840

6 août [1840], jeudi matin, 9 h.

Bonjour mon effronté. Eh ! bien qu’est-ce que vous dites de votre aplomb, scélérat, et de mon pressentiment ? Cet affreux Bernard je finirai par le prendre en horreur car c’est toujours sous son nom que vous vous éclipsez. Que le diable l’emporte et vous ramène le plus tôta possible car je ne suis rien moins que gaie de vous savoir à six lieuesb de moi [1]. Je suis levée depuis sept heures du matin mais depuis ce temps-là j’ai préparé de l’ouvrage à l’ouvrière, fait faire le ménage, labouré mon jardin et fait votre tisanec. Pour vous donner le temps d’arriver déjeuner je me débarbouillerai et je me coifferai en vous attendant. La mère Pierceau viendra sans doute aujourd’hui ce qui me dispensera de vous dire de m’y mener. MÈNE-MOI CHEZ LA MÈRE PIERCEAU, mène-moi chez la mère Pierceau, mène-moi chez la mère Pierceau, mène-moi chez la mère Pierceaud. Voici le temps remis au beau et nous n’avons pas l’air de vouloir en profiter ce serait cependant bien le CAS d’en profiter ou jamais. C’est-à-dire jamais pour le beau temps mais je veux profiter du vilain temps ou mourir. Je n’ai que ce seul bonheur-là dans l’année et si on me l’ôte c’est pas la peine de vivre et de vous aimer de toute mon âme comme je le fais. Aussi la pluie, le vent, la grêle, la neige ou le soleil, tout m’est égal pourvu que je sois bien loin de Paris avec toi. Je t’aime mon Toto chéri. Je t’aime de toutes mes forces. J’aimerais mieux avoir perdu mes dix sous cette nuit que de les avoir gagnés. Mais vous n’en êtes pas moins le plus fourbe et le plus faux des hommes décidément. Baisez-moi scélérat et revenez tout de suite, je vous pardonne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 77-78
Transcription de Chantal Brière

a) « plutôt ».
b) « lieux ».
c) « tisanne ».
d) La graphie de cette répétition est décroissante.

Notes

[1Hugo se rend régulièrement à Saint-Prix où sa famille est en villégiature.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne