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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 avril [1840], jeudi soir, 6 h. ¾

Tu ne sauras donc jamais que je t’aime, mon Dieu, tu me croiras donc toujours une malhonnête femme, mon Toto, que c’est donc triste et que tu es injuste et féroce pour moi. Enfin mon petit bien-aimé tout ce que tu fais ne réussita qu’à te faire aimer davantage. Ainsi tu fais bien d’agir comme tu le fais. J’ai trouvé Mme Pierceau prête à venir chez moi de la part de M. Desmousseaux qui te prie aux noms de MM. Ligier et Menjaud [1] et au sien propre de les attendre toute la matinée de demain jusqu’à 11 h. ou de leur indiquer ton heure car ils sont tout à fait pressés de te voir. Moi qui sais combien tu redoutesb que je sache les heures où tu peux être chez toi je ne me suis engagée à rien et j’ai mangé des pois chauds [2] en attendant que tu mangesc de la bouillie ce soir. J’ai trouvé Mme Triger qui reste à dîner et la soirée avec nous. Je verrai sans doute M. Desmousseaux ce soir car il doit venir prendre la réponse puisqu’il avait exigé que Mme Pierceau prît un cabriolet tant il attache d’importance à te parler demain. Le petit Pierceau est malade ainsi tu vois, mon enfant, que ma précaution n’a pas été tout à fait inutile. Dans ce moment-ci Mme Triger se plaint amèrement de ce que Mme Pierceau allait la renvoyer sans dîner à cause de la commission que M. Desmousseaux lui avait donnée. Tout ce verbiage med corne aux oreilles et je ne sais pas ce que je t’écris. Je sais que je t’aime, que je suis triste de tes soupçons et que je donnerais sans hésiter la moitié de ce qui me reste à vivre pour passer l’autre moitié avec toi en paix, en confiance et en amour. Pourquoi ne peut-on pas faire de ces marchés-là, j’y taperai de grand cœur ? Mme Pierceau vient de descendre pour nous acheter un petit supplément au dîner ce que je n’ai pas refusé car l’air et la marche m’ont ouvert l’appétit et je mangerai horriblement ce soir. Je mangerai encore bien plus et bien mieux si tu pouvais venir me prendre pour dîner ou seulement encore m’embrasser et me dire que tu m’aimes. Moi je t’adore mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 21-22
Transcription de Chantal Brière

a) « réussi ».
b) « redoute ».
c) « mange ».
d) « me me ».

Notes

[1L’acteur Jean-Adolphe Granet dit Menjaud devient sociétaire de la Comédie-Française en 1825.

[2Être embarrassé pour répondre.

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