Guernesey, 7 septembre 1861, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour et amour. Comment vas-tu ce matin ? Ta fenêtre n’est pas encore ouverte, ce qui veut peut-être dire, et je l’espère de tout mon cœur, que tu dors comme un bon petit loir. En attendant que tu te réveilles et que tu viennes baigner tes yeux, je viens de tirer du fond de ma malle tous tes chers grands portraits afin de ne pas faire languir ton cher petit Toto et qu’ils puissent donner tout de suite l’immense joie d’avoir sous les yeux les deux splendides portraits de son père et de sa mère. J’ai tiré en même temps la copie des Misérables que j’ai mise tout de suite dans mon grand meuble pour l’avoir plus près de moi en cas d’événement. Quand tu voudras ton biscaïen [1] et tous les autres bibelots [2] tu n’as qu’à parler, ils sont tous prêts. Moi je voudrais être sûre que tu as passé une bonne nuit et que tu m’aimes de fond en comble et je serais la plus heureuse des femmes ce matin. Dans le doute je t’aime de toute mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16382, f. 89
Transcription de Florence Naugrette