Paris, 1er juin [18]74, lundi, 4 h. après-midi
Te voilà retourné à tes pérégrinations laborieuses, mon cher bien-aimé, pendant que je t’attends à poste fixe ici. Cette acceptation de mon sort n’est pas précisément de mon fait ni de mon goût et il ne faut rien moins que mon grand respect pour ton travail et l’impossibilité physique de te suivre pour m’y résigner. Je prie Dieu de semer le moins possible de jeunes et jolies femmes sur ton chemin et de petites marchandes épistolaires et irrésistibles comme celle à laquelle tu as acheté et écrit ce matin. Je sais bien que tu peux puiser longtemps dans ta réserve de marivauderie et dans ton porte-monnaie avant d’en voir le fond, mais je ne suis pas aussi sûre de ne pas voir se tarir bientôt, à ce commerce-là, la pauvre petite goutte d’amour restée encore, je l’espère, au fond de ton cœur pour moi et j’aia absolument besoin, pour ne pas mourir tout de suite en DÉSESPÉRÉE maintenant, mon grand bien-aimé, que Dieu te conduise et te ramène au gré de mon cœur : content et heureux de me revoir et bénib dans la santé de ton cher Petit Georges et dans la joie de ta ravissante Petite Jeanne.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 96
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette
a) « j’ai j’ai ».
b) « bénis ».