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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 septembre [1836], mercredi après-midi, 4 h.

Mon cher petit homme je me joins à C. N. [1] pour vous engager à faire un petit voyage de dix ou douze jours dans le plus beau pays du monde, exagération à part. Les femmes y sont très laides comme le dit C. N. Mais les églises mais les hôtels de ville mais les tombeaux mais les châteaux du vieux Rhin, tout cela est plus que compensatoire et vous devriez partir ce soir avec moi. Quant à moi, je me fais fort de vous trouver les fonds nécessaires à notre expédition avant qu’il soit deux heures. Voulez-vous mon adoré ? Si vous m’aimiez comme vous le dites vous accepteriez avec enthousiasme, avec grognements et miaulements et hurlements de joie, l’occasion d’être avec moi bien loin d’ici. Mais vous ne m’aimez que de bouche le cœur ne touche [2]. C’est ce qui fait que vous refusez la partie sous des prétextes plus absurdes les uns que les autres. Allez vous êtes un méchant homme quoique vous ne soyez point un poète ennuyeuxa comme vous en avez la prétention.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 320-321
Transcription de Nicole Savy

a) « ennuieux ».


14 septembre [1836], mercredi soir, 7 h.

Mon cher petit bien-aimé, je vous ai laissé partir comme ça sans m’entendre avec vous sur l’heure à peu près à laquelle vous comptiez revenir. Mais quelle quea soit cette heure, je suis bien décidée à vous attendre pour dîner. Je n’ai pas besoin moi de me passer du bonheur de brouter avec vous, vous PLAISANTEZ.
Tantôt dans l’enthousiasme de la lettre de C. N. [3] style et littérature à part j’avais cru possible de vous décider à faire ce petit voyage, mon cher petit homme, mais en y réfléchissant un peu je vois bien qu’il faut que je renonce à ce bonheur. Car vous n’êtes pas un homme à tout faire pour dix jours de bonheur. Je rentre donc toutes mes CORNES qu’un rayon d’espoir m’avait fait sortir. Je demeure dans ma coque et dans mon désespoir de ne pouvoir pas vous décider à faire cette petite promenade. Voici deux automnes de suite que vous me manquez de parole. Sans vous douter le moins du monde du chagrin que vous me faites. Je ne regrette pas ici les merveilles nouvelles que nous verrions ensemble. Mais bien le bonheur d’être à NOUS sans crainte, sans intermittence. Vous ne regrettez pas cela vous puisque vous ne le comprenez pas, mais moi c’est différent j’en souffre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 322-323
Transcription de Nicole Savy

a) « quelque ».

Notes

[1Célestin Nanteuil, compagnon de leur précédent voyage.

[2Détournement du proverbe « Baiser la bouche, souvent le cœur ne touche ».

[3Célestin Nanteuil incite Hugo à faire avec Juliette et lui un nouveau voyage.

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