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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juillet [1851], samedi matin, 7 h. ½

Bonjour mon tout bien aimé, bonjour et toute mon âme dans le rayon de soleil qui viendra caresser tes doux cheveux.
Comment vas-tu ce matin, mon cher bien-aimé ? As-tu bien dormi ? J’espère que tu ne te seras pas levé à cinq heures car alors tu n’aurais pas eu le temps de te reposer. Tâche de dormir et ne te réveille que lorsque le soleil sera lui-même tout à fait éveillé.
Tu m’as fait une bien douce surprise hier en mettant parmi les journaux un paquet de tes lettres. Il m’a semblé revenir au bon temps d’autrefois où tu m’associais à toute ta vie sans aucune restriction. Merci, mon bien-aimé, merci d’avoir repris cette douce habitude à ce moment-ci. J’ai besoin de penser que je rentre dans ton amour et dans ta vie par toutes les portes à la fois. J’ai besoin de croire que tu m’es bien rendu tout entier et que je reprends possession de tous mes droits et de tous mes privilèges de femme aimée. Aussi tout ce qui peut m’en paraître une preuve, même la plus indirecte, me devient chère et précieuse. C’est pourquoi j’ai accueilli avec des larmes de joie et de reconnaissance ces quelques lettres venues d’on ne sait où et disant je ne sais quoi uniquement parce que c’était une des tes habitudes d’autrefois au temps où tu n’aimais que moi. Merci mon bien-aimé, merci, tu es bon, je t’aime. Pense à moi. Je te désire de toutes mes forces et je te baise de toute mon âme. Je t’aime, je t’aime.

Juliette

MVHP, Mss, a 8591
Transcription de Florence Naugrette


5 juillet [1851], samedi matin, 10 h.

Que fais-tu, mon pauvre petit homme ? Où es-tu ? Qui aimes-tu ? Trois questions que je me fais dès que mes yeux t’ont perdu de vue et auxquelles je réponds : Je t’aime, je baise la trace de tes pieds et je t’attends. C’est une manière de dialogue qui met l’interlocuteur parfaitement à son aise et qui ne le compromets pas. Pauvre cher bien-aimé, quel temps, mon Dieu ! On dirait que la providence elle aussi se venge, comme une femme qu’elle est, et que ne pouvant rien sur ton noble et doux visage elle s’attaque à ta chère santé. Tout cela est bien triste. Encore si tu pouvais aller chercher le soleil et le loisir dans quelque beau et bienfaisant pays, mais, non, tu es attaché à cette odieuse chaîne de la politique et il faut malgré que tu souffres et que tu en aies que tu fasses ton temps comme un forçat très peu libéré. Va donc, mon pauvre galérien, mon sublime martyr, mon divin bien-aimé, accomplis ta rude et dure mission et tâche de ne pas user ta vie trop vite.
Je t’écris au milieu des interruptions des cardeuses de matelas de la droite et du spirituel et doux babil de ma petite perruche de la gauche qui me relance sous prétexte de morceaux de doublure et de liserés. Mais tout cela ne peut rien sur mon idée fixe et sur mon éloquence. Je t’aime, je t’aime et je t’aime. Je n sors pas de cette sensation prolongée. Maintenant, qu’on me guillotine si on veut, 1852 me vengera, c’est tout ce que je demande.

Juliette

MVHP, Mss, a 8592
Transcription de Florence Naugrette

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