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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1840

26 mars [1840], jeudi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Il continue à faire bien froid dans l’air et bien chaud dans mon cœur, c’est bien dommage qu’on ne puisse pas y fourrer votre chère petite personne frileuse.
Je voudrais bien savoir ce qu’est devenu ce frisson opiniâtre de cette nuit qui résistait au feu et à mes baisers ? Pauvre adoré, ne vaa pas être malade car je ne sais pas ce que je deviendrais de chagrin et d’inquiétude si ce malheur nous arrivait. Prends bien soin de toi, mon amour, je t’en prie, je t’en prie. J’ai bien mal à la tête ce matin et le front rempli de rougeurs comme des taches de sang, ce n’est pas dangereux mais douloureux et surtout ennuyeuxb. Je vais néanmoins copier tantôt le voyage d’Avignon [1] que je n’ai pas pu faire hier. Je ne pense pas que tu puissesc me faire sortir avec tout ce que tu as à faire ? Aussi je ne m’apprête qu’à rester chez moi. Papa est bien i, je l’aime mon pauvre papa mieux que la bergère Astron n’aimait le berger Céladée [2]. Je voudrais passer mes jours et mes nuits avec lui sans le quitter. Je l’aime qu’on vous dit, n’en êtes-vous pas jaloux ? J’ai trouvé ma Marion [3] aussi admirable hier que les autres fois et cependant vous n’étiez pas avec moi, ce qui ôte joliment du charme à la chose. Mais je dois avouer que je l’ai autant admirée que si vous y aviez été et qu’à mon plaisir il ne manquait du bonheur, c’est-à-dire vous. Peu de choses n’est-ce pas ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 306-307
Transcription de Chantal Brière

a) « vas ».
b) « ennuieux ».
c) « puisse ».


26 mars [1840], jeudi soir, 5 h. ½

Je vous aime mon Toto et je trouve que vous auriez cent fois raison si vous passiez toutes vos soirées avec moi de ne me faire jamais sortir, je trouve même que vous avez raison sans cela. Ainsi vous voyez que je ne suis pas difficilea à contenter. Je vous aime. J’aurais d’ailleurs peut-être bien fait de prendre un bain à la place de me peigner car je souffre des reins beaucoup. Je crois que cette petite rétention forcée d’hier, n’y [a] pas peu contribué. Cela m’est déjà arrivé une fois à ce même Théâtre-Français. Une autre foisb je ne me ferai plus ce mal, c’est trop bête. On n’est pas encore venu chercher l’argent de la table, si nous ne l’avions pas eu il est probable qu’on aurait été très exact. Au reste j’aime mieux que ce soit ainsi qu’autrement, l’un est moins embarrassant que l’autre. Je vous aime. Je ne sais pas pourquoi je vous dis autre chose car tout ce que je sais, tout ce qui m’occupe et tout ce qui m’intéresse c’est vous et mon amour. Le reste m’est égal comme deux œufs. À propos d’œufs l’académicien du jeudi [4] est bon sur son oie si jamais il en pond d’autre (académicien), je ne lui demanderai pas son petit. Décidément le Flourens a un succès de vogue et le mérite bien. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 308-309
Transcription de Chantal Brière

a) « difficille ».
b) « autrefois ».

Notes

[1Juliette et Hugo ont fait halte à Avignon à la fin du mois de septembre 1839

[2Par jeu, Juliette inverse les syllabes des noms des personnages de L’Astrée : Astrée et Céladon.

[3Marion de Lorme.

[4Jour de séance à l’Académie française.

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