Paris, 30 mars [18]72, samedi matin, 7 h.
Bonjour, mon grand adoré, bonjour, et merci aussi de me venir en aide avec tant de bonne grâce dans la lutte que je soutiens contre l’envahissement des infirmités et des fatigues de la vie. Je gagnerai à cela peut-être un peu de répit à mes nombreux bobos et deux ou trois heures par jour, à coup sûr, de loisir que je pourrai mettre à ton service. Dès aujourd’hui je ferai venir le coiffeur et je fixerai avec lui le prix de l’abonnement et l’heure à laquelle il viendra. Encore une fois merci, mon généreux petit homme, de cet allègement. J’espère que tu as bien dormi et ta malade aussi. J’enverrai savoir tout à l’heure ce qu’elle désire manger. Quant à faire son lit, elle continue de s’y refuser. Je regrette de n’avoir pas pu sortir ces jours-ci pour acheter deux œufs de Pâques pour Petit Georges et pour Petite Jeanne pour rester dans les pieuses traditions enfantines. C’est si bon de faire plaisir à tous ces charmants petits démons-là sous prétexte de fêter le bon Dieu ! Pour aujourd’hui je bornerai ma magnificence à deux œufs rouges de la fruitière d’en face. Quant à toi, mon cher grand petit homme, je te donne mon cœur à nouveau avec tout l’amour qu’il contient.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 86
Transcription de Guy Rosa