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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 7 janvier 1852, mercredi, midi

Je n’aurais pas mieux demandé que de continuer d’être votre sans dents toujours, mon trop adoré petit homme, mais puisque les [hoddy  ?] s’y opposent je me résigne avec l’espoir que vous ferez de temps en temps quelque infraction aux règlements de police. En attendant je reprends, dès aujourd’hui, l’usage de mes gribouillis quotidiens, hélas ! c’est une bien faible fiche de consolation de quelque manière qu’on la prononce FÊCHE, FAICHE, FICHUE voirea même f…. il me serait bien difficile d’y renoncer tant l’habitude est une seconde nature. Il me semble que chacun des mots que j’écris contient comme dans un récipient le sang de mon cœur et l’amour de mon âme. C’est bête comme tout ce que je te dis là [1] mais c’est absolument ce que j’éprouve, pauvre petit homme. Je crains que tu n’aies froid cette nuit et que tu dormes mal, j’ai peur qu’il ne te manque tout demain matin quand tu te lèveras. Il me semble que je pourrais suppléer à tout si j’étais avec toi, non par fatuité, mais parce que je t’aime tant qu’il me semble impossible que tu puisses avoir besoin d’autre chose que de mon adoration. C’est une illusion que tu ne peux pas partager surtout en face des réalités et des besoins matériels, je le sais bien aussi je tâche de faire de mon mieux en t’envoyant la Suzarde et en lui faisant mille recommandations qu’elle oublie sans doute en route à force de vouloir trop y penser. Mon [bien-aimé  ?] décidément j’aimerais mieux être ta servante jour et nuit que te confier à qui et à quoi que ce soit dans ce monde même à la police belge.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 7-8
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « voir »


Bruxelles, 7 janvier 1852, mercredi après-midi, 3 h.

Mon Dieu qu’est-ce donc encore que ces sergents de ville et ces lettres qui viennent de l’Hôtel de Ville, si pressées qu’on ne voulait même pas les laisser à Suzanne dans la crainte d’un retard ? Si c’est là l’hospitalité belge, merci. J’aime mieux que nous nous en allions dans un pays moins flamand et plus libre.
M. Luthereau m’assure ce ne sont que des formalités de permis de séjour, mais je ne sais pas pourquoi je flaire encore de nouveaux ennuis. Après cela, mon adoré, nous ferions mieux de nous en aller en Angleterre pour peu qu’il y ait la plus petite chance que tu sois tourmenté ici. Jusqu’à présent nous n’avons pas fait d’assez gros frais d’installation pour que nous ne puissions pas nous transporter ailleurs. Partout où tu seras en liberté et en sécurité, je serai heureuse. Ainsi mon adoré, ne prolonge pas d’un jour ta résidence ici malgré les douceurs de l’hospitalité cordiale que nous y recevons de la part de ce brave Luthereau.
Je [viens  ?] de vous voir, mon cher petit homme, mais je ne suis pas beaucoup plus rassurée qu’auparavant. Je pourrais même vous avouer que je le suis beaucoup moins. Car au lieu d’un danger pour vous, j’en aperçois beaucoup d’autres pour moi dont la police ne fait pas tous les frais. Je trouve que vous avez été un peu bien prompt à donner rendez-vous à cette écrivassière [2]. Quant au hasard qui vous a fait écrire cette lettre chez vous je ne suis pas assez sotte pour goûter à ce metsa que votre friponnerie vient d’assaisonner si lestement. Je vous préviens que j’ai une double clef MON SEIGNEUR et une triple jalousie avec laquelle il me sera facile de faire effraction dans vos bonnes fortunes quelques murées qu’elles soient. Prenez garde à vous car je suis encore plus méchante que maigre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 9-10
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « met ».

Notes

[1Citation de Ruy Blas  : « Juliette emprunte très souvent à don César cette réplique adressée au laquais à l’acte IV. », Florence Naugrette, Le théâtre dans les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo, publié sur le site du Groupe Hugo, groupugo.div.jussieu, 24 janvier 2015.

[2À identifier.

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