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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 28 janvier 1881, vendredi matin, 8 h.

Encore une nuit médiocre, mon pauvre grand bien-aimé, et je le déplore parce que, outre l’insomnie naturelle à notre âge, je crains qu’il ne s’y ajoute des troubles dans ta santé. Hier au soir, entre autresa, tu paraissais triste et souffrant. Si cela était, il faudrait sansb plus tarder aviser à te débarrasser de ces petits malaises qui disparaissent tout de suite pour peu qu’on les soigne.
Le temps furieux qu’il a fait cette nuit doit y être aussi pour quelque chose. Espérons que nous serons bientôt hors de toutes ces horreurs de l’hiver.
En attendant, je sais déjà que tu n’as Sénat que lundi 1er février et seulement réunion dans les bureaux. Jeudi séance publique à deux heures. Et puis ? Voilà tout. Il dépendra de toi de mettre le temps à profit dans l’intérêt de ta chère santé, ce qui est plus important que tous les sénats du monde.
Mme Angèle Magnin [1], la grande épistolairienne de ce siècle, t’écrit pour te dire son grand regret de ne pouvoir dîner demain samedi à cause de la première représentation de Nana [2] pour laquelle ses amis ont loué à un fort prix une loge pour elle. Grand bien lui fasse et à tous ceux qui ont les goûts du fumier et de l’égout [3]. Donc, le branle de cette représentation étant donné, nous dînerons probablement en tête-à-tête (excusez du peu). À moins que le jeune Rambaudc ne se croie obligé à rester de bonne compagnie quand même.
Ce soir ton groupe d’en-haut ne doit pas dîner. J’espère encore que les enfants resterontd mais je n’en suis pas sûre. Peut-être les deux Banville, les deux Clovis Hugues et les deux Dorian suivront-ils l’entraînement général. Hé bien, nous n’en mangerons pas moins et nous ne nous en aimerons que plus.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 13
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « entrautre ».
b) « s’en ».
c) « Rambeau ».
d) « resterons ».

Notes

[1Femme de Joseph Magnin, Ministre des Finances.

[2L’adaptation du roman de Zola est créée par William Busnach au Théâtre de l’Ambigu. La première a lieu le samedi 29 janvier 1881.

[3On peut trouver dans cette remarque un écho au jugement que Victor Hugo exprimait sur L’Assommoir, en 1878, d’après ce que rapporte Alfred Barbou : « Le livre est mauvais. Il montre, comme à plaisir, les hideuses plaies de la misère et de l’abjection à laquelle le pauvre se trouve réduit. […] Il est de ces tableaux qu’on ne doit pas faire. Que l’on ne m’objecte pas que tout cela est vrai, que cela se passe ainsi. Je le sais, je suis descendu dans toutes ces misères, mais je ne veux pas qu’on les donne en spectacle. Vous n’en avez pas le droit, vous n’avez pas le droit de nudité sur le malheur. » (Victor Hugo. Sa vie, ses œuvres, Paris, Alfred Duquesne, 1880, p. 284-285).

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