Paris, 23 mai 1881, lundi matin, 6 h.
Courte et bonne, voilà ma nuit. La tienne, mon pauvre désheuré, reste à parfaire avec les heures de la matinée mais j’espère qu’elle n’en sera pas plus mauvaise pour cela. Dors, mon doux adoré, et que ton rêve soit riant autant que mon amour est tendre. Il fait un temps exquis ce matin et dont tu feras bien de profiter dès que tu le pourras. Déjà, pour commencer, nous déjeunerons tous les deux en tête-à-tête au soleil. Puis en revenant du Sénat nous pourrons peut-être faire encore un bout de promenade comme samedi dernier.
Ce soir, le retour des enfants, c’est-à-dire grande joie. Puis, enfin, ce qui n’est pas un mince bonheur, la fin des corrections de tes épreuves [1] ! Toutes ces choses réunies feront de cette journée une journée bénie si Dieu le permet.
Tu as aussi, comme agrément, très peu de lettres sur la planche. Tu vois, mon grand petit homme, qu’il ne tient qu’à toi d’être très bien portant et très heureux aujourd’hui. Quant à moi, j’y suis toute résolue pour ma part en dépit de mes nombreux bobos. Je vais écrire tout à l’heure à Louis Leroy de venir dîner avec nous jeudi prochain, et à Saint-Victor pour dimanche prochain. Cela te paraît-il bien ainsi ? Je t’aime sans t’en demander la permission et je veux que tu m’aimes sans point d’interrogation.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 112
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette