Paris, 16 août [18]79, samedi anniversaire de la naissance de petit Georges
Cher bien-aimé, c’est un moyen de se rapprocher des absents que de penser à eux et de les fêter et de les aimer. Triple raison aujourd’hui pour nous de célébrer l’anniversaire de la naissance de notre cher Petit Georges en y associant le souvenir de notre chère Petite Jeanne et de ses parents. Cette pensée me ravigotea déjà et me fait oublier ma maussade nuit, que tu as partagée de ton côté à ce que me dit Mariette. Mais le moyen de tenir sa santé et ses nuits en équilibre avec ce va et vient barométrique continuel ? C’est impossible, et les plus fortsb, comme toi, ne le peuvent pas toujours, à plus forte raison une pauvre vieille détraquée comme moi. Dans ce moment il pleut et il y a une rafale de vent à tout casser, c’est pire qu’en hiver à la chaleur près. Tout cela me Nivelle la Hulpe [1], comme à Mont-Saint-Jean [2] mais sans aucune des douces compensations de ce temps-là hélas ! Hélas ! Hélas ! Ô totoï [3] ! Totoï ! Totoï ! J’en ai perdu mon grec et mon latin et… le reste. Je n’ai plus que mon vieux cœur radotant son vieil amour à tes pieds que je baise avec la dévotion d’une jeune bigotec ceux de son bon Dieu.
Je t’adore et je te bénis.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 202
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « ravigotte ».
b) « fort ».
c) « bigotte ».