Veules [1], 5 septembre, vendredi matin, 9 h.
Puisque tu as passé une bonne nuit et moi aussi, puisque tu m’aimes et que je t’adore, c’est le cas d’être heureux, soyons-le de toute la force de nos cœurs et de nos âmes. Ainsi que tu l’avais prédit hier soir il fait un temps charmant ce matin. Aussi la plage, très étendue pendant cette marée très basse, est-elle couvertea de monde et de pêcheurs et de pêcheuses amateurs et de profession. Le facteur vient d’apporter tes lettres, parmi lesquelles une de Louis [2] qui est encore à Paris jusqu’à mardi prochain avant-veille de notre départ pour Villequier. Il me prie de te dire qu’il a touché les mille francs chez Lemerre et il te fait demander ce que tu veux qu’il en fasse – si tu préfères qu’il les garde jusqu’à son retour de Brest, c’est-à-dire dans les premiers jours d’octobre, ou si tu préfères qu’il les dépose chez une personne de confiance que tu lui indiqueras [3]. Il me charge de tous ses respects pour toi et pour notre bien-aimé ami Meurice et ses trois charmantes filles, ce que je fais en y joignant tous les miens revus et augmentés à chaque minute de ma vie par l’admiration et l’adoration la plus vénérable et la plus religieuse.
Le cercle des Muses (d’Évreux) t’envoie tous ses remerciements pour la lettre d’encouragements que tu leur as envoyée et il te prie d’accepter la Présidence d’honneur de leur cercle dès qu’il aura reçu l’autorisation du ministre d’exister officiellement. Tu trouveras en outre une lettre d’un malheureux accusé d’abus de confiance et d’escroquerie dans un journal [illis.] par Mme Olympe Audouardb [4] et que tu avais patronné, à ce qu’il affirme. Il se dit innocent, peut-être est-ce vrai. Tu verras sa lettre. En attendant je te souris et je te bénis.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 213
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) Le mot est répété, sur le manuscrit.
b) « Auduard ».