2 mai [1841], dimanche matin, 10 h. ¾
Vous avez oublié de prendre mes lettres, vilain Toto, et vous continuez à ne pas venir du tout le matin, ce qui comble la mesure de vos turpitudes. Pour un rien je me fâcherais tout rouge et je ne vous écrirais pas. Malheureusement ce n’est pas vous que j’attraperais à ce compte-là, aussi je me prive de cette punition qui ne punirait que moi.
Claire est à la grand-messe, elle ira tantôt à vêpres et demain matin elle rentrera à la pension. Voilà la somme de jouissances et de réjouissances que nous lui aurons procuréea, à moins que tu n’aies le courage de venir nous chercher ce soir pour voir les illuminations [1], ce qui me comblerait de joie pour mon compte personnel et je lâcherais avec enthousiasme tous les Pierceau et tous les Triger de la nature mâles et femelles [2] pour me pendre à votre joli petit bras. Mais je suis si peu chanceuse que je n’ose pas me promettre ce bonheur-là.
J’attendrai à demain, mon amour, pour finir de copier l’album vert [3]. Tous ces jours-ci, y compris celui-ci, cela m’aurait été difficile mais demain et jusqu’à ce que ce soit fini je ne quitterai pas la plume. Je baise celles de tes ailes en attendant et je t’adore mon cher petit Toto.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 113-114
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « procuré »
Dimanche 2 mai [1841], après-midi, 2 h.
Je t’écris de bonne heure ma seconde lettre, mon amour, parce que je ne veux pas m’endetter dans le cas où j’aurais des dîneuses aujourd’hui. Claire ira tout à l’heure à vêpres, en attendant elle pianotea tant qu’elle peut. Je voudrais savoir ce que ma Dédé a dit de sa poupée et de son petit diable. Elle a dû être un peu ébouriffée car c’est très bien fait et très gentil. Je sais bon gré à Claire de penser et d’aimer cetteb enfant, c’est une preuve de sympathie entre nous dont je suis très heureuse [4].
Mon Toto, mon Toto, je voudrais bien que tu puissesc nous faire sortir ce soir, j’étouffe de chaleur [5], je crève de santé et j’ai un mal de tête fou. Et puis mon Toto bien-aimé, une autre raison bien plus raison que toutes celles ci-dessus, c’est que je t’aime et que je n’ai de joie et de bonheur qu’avec toi. Ainsi mon petit bien-aimé, tâche de venir ce soir, tu feras une bonne action et une Juju bien heureuse. Je baise tes chers petits pieds adorés.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 115-116
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « pianotte ».
b) « cet ».
c) « puisse ».