9 avril [1841], vendredi midi
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher bijou, je t’aime. Je suis bien blaireuse et bien malingre encore aujourd’hui. Le soulagement n’est pas encore arrivé, j’espère cependant que cela ne tardera pas à présent [1]. Mais toi, mon adoré, comment vas-tu ? Je pensais que tu reviendrais te reposer ce matin auprès de moi mais il paraît, mon pauvre petit homme, que tu n’en auras pas pris le temps.
Voilà encore un affreux mois qui se présente [2], ne serait-il pas juste et bon, mon adoré, que je vende quelque chose, ne fût-cea que pour aider à payer la pension de ma fille [3] ? J’y suis toute prête et même, mon adoré, je renonce à la robe de réception [4] avec joie si ça peut te donner une heure de repos et de sommeil. Ceci est du fond du cœur, mon adoré, l’argent de la robe de chambre servira à la pension. Quant à moi, la moindre petite robe de jaconnai [5] ou de mousseline de laine me suffira pour le jour de ta réception. Accepte ma proposition, mon Toto adoré, elle est si sincère, si affectueuse et si facile que tu me feras une grande joie en ne me refusant pas. Cela ne m’empêchera pas d’être la mieux mise, la plus belle, la plus radieuse et la plus fière et la plus heureuse des femmes si tu m’aimes. C’est dit, n’est-ce pas mon amour. D’ailleurs je le VEUX, entendez-vous ?
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 33-34
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « fusse ».
9 avril [1841], vendredi soir, 4 h. ¾
Oui mon adoré, accepte ce que je t’offre de si bon cœur, ce sera une joie pour moi de penser que je te rends quelquesa jours de repos et de tranquillité. Merci mon bon ange, merci.
À peine avais-tu tourné le coin de la rue que le père Mignon entrait chez moi. Force lui a été d’attendre que Suzanne soit revenue de changer le billet. Je lui ai donné sesb 10 F. acompte, demain ce sera une autre procession. Parmi l’argent que nous ne comptons pas il y aura les impositions, le ramonage et la serrure [6]. C’est à n’en pas finir mon Dieu.
Je viens d’écrire à Mlle Hureau de tenir sa note prête pour lundi [7]. J’ai écrit aussi aux Lanvin pour savoir si on pourrait aller chercher Claire lundi [8]. Dans le cas contraire j’enverrais le Père la tuile [9]. J’ai en même temps fait souvenir que l’époque que M. Pradier avait indiquée pour donner de l’argent était arrivée [10], j’ai encore écrit de nouveau à la femme qui soigne mon père [11] dans le cas où ma première lettre aurait été perdue à la poste. Enfin, je ne suis pas encore débarbouillée quoique je ne me sois pas amusée depuis tantôt.
Je t’aime mon Toto chéri, je t’adore mon bon petit homme. Il faudra m’expliquer si pour retrouver les [600 F. ?] dans la dépense comme pour la recette il faudra compter 100 F. donnésc à Guyot pour intérêt de l’argent [12] ? Tu me diras cela tout à l’heure. En attendant, je t’aime de toute mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16365, f. 35-36
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « quelque ».
b) « ces ».
c) « donner ».