20 février [1841], samedi, midi ½
Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher bien-aimé. J’ai envoyé Claire au bois [1] avec la mère Lanvin qui s’est forcée pour venir, sachant que son mari ne s’y connaît pas du tout. Il est convenu que Claire restera jusqu’à lundi mais il faudra que nous la reconduisions nous-mêmes parce que Lanvin ne peut pas se dispenser d’aller à son imprimerie le matin et que la mère Lanvin est vraiment bien souffrante. Ainsi c’est convenu, mon cher bien-aimé, nous gardons Clarinette un jour de plus.
M. Pradier n’a pas encore donné l’argent mais il le promet toujours [2]. J’ai dit tout à l’heure à la mère Lanvin que je lui donnerais les reconnaissances et l’argent pour le 24 de ce mois à emporter, afin de leur épargner une course indispensable [3].
J’espère, mon adoré, que la presse Pfaffenhoffena passée [4] tu me donneras mes jours gras ? Les miens ont été si maigres tout ce temps-ci que j’ai besoin d’un fameux rabibochage pour ne pas jeter le manche après la cognéeb.
Je t’aime mon Toto adoré, je t’aime mon ravissant petit homme, c’est ce qui me fait trouverc le temps si long et si maussade quand tu n’es pas avec moi. Baise-moi mon pauvre amour, baise-moi mon cher bien-aimé, je te désire de toute mon âme mon cher cher bien-aimé.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 163-164
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « Phaphenoffen ».
b) « coignée ».
c) « trouvé ».
20 février [1841], samedi soir, 6 h.
Mon bois est rentré, mon Toto, Mme Lanvin est partie et je ne vous ai pas encore vu de la journée. C’est bien long et bien triste. J’ai fait achetera 26 marcottins [5] ainsi que vous le désiriez l’autre fois et j’en ai eu tout, bois, fagots et commissionnaire pour 44 F. 15 sous. C’est bien cher, n’est-ce pas mon pauvre petit homme ? J’ai donné les 100 F. du Mont-de-Piété à Mme Lanvin [6], j’ai payé l’ouvrière [7] et la provision d’aujourd’hui et de demain mais j’ai été forcée de prendre 5 F. sur les 100 F. de réserve. Pour peu que tu laisses cet argent à la maison deux ou trois jours de plus, tu n’en retrouveras plus.
À propos, pendant que j’y pense, je te dirai que j’ai donné à la mère Lanvin les deux ravissants flacons chinois qui étaient sur ma toilette [8]. Tu dois te souvenir que c’est à ton instigation car il y a deux ans ou un an tu voulais absolument que je les lui donnasse et que j’ai courageusement RÉSISTÉ. Enfin tantôt, pour la récompenser d’être venue m’acheter mon bois, toute malade qu’elle était, je lui ai donné ces PHAMES flacons. Si j’ai mal fait c’est votre faute, ne vous en prenez qu’à vous. En attendant, je reste là à voir tourner mon ombre sur mes pieds [9] sans flacons, sans Toto et sans bonheur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 165-166
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « acheté ».