14 février [1841], dimanche soir, 11 h. ¼
J’ai eu mes femelles [1] à dîner ce soir, même la mère Pierceau, faisant toujours l’enceinte continue de la ville de Paris [2]. Nous avons parlé de vous et de M. Charlot qui ne veut pas faire SON VERTUEUX de peur de se faire moquer de lui par ses camarades [3]. Enfin, j’ai beaucoup jaboté [4] de vous et cela m’a fait grand bien car j’avoue qu’une semaine de silence me pèse et que j’éprouve un grand soulagement, quand vient le dimanche, à me débarrasser de ce trop plein de paroles et de sentiments qui m’étouffe.
Je voudrais bien savoir, scélérat, pourquoi vous n’êtes pas venu ce soir et pourquoi vous ne venez pas à présent. Vous croyez peut-être en être quitte envers moi pour être venu ce matin ? Voime, voime, très drôle et très spirituel. Il est impossible de se donner les airs d’un VAILLANT à moins de frais, aussi je vous préviens que si vous ne vous dépêchez pas de me prouver que un et un font…..a UN, je répandrai sur vous les bruits les plus scandaleux et les plus déshonorants. Attendez-vous à cela et à bien d’autres chosesb encore si vous ne me donnez pas une prompte et éclatante réparation du coup d’épée dans l’eau de cette nuit. Dans l’eau est ici par métaphore mais vous savez ce que je veux vous dire. Tenez-vous pour avertic et revenez cette nuit même si vous avez le plus petit cœur.
Je vous écris sur une feuille de papier ployée pour copier les fameuses preuves de noblesse de la famille Buonaparte [5]. Ce n’est pas ma faute si je ne l’ai pas employéed à sa première destination, je voulais vous en faire la surprise. Vous ne l’avez pas voulu mais c’était pourtant de bien bon cœur que je le faisais. Bien vrai, mon Toto bien-aimé, c’est avec joie que j’aurais fait cette petite corvée si elle pouvait t’être utile et même pour rien que le bonheur de t’obéir en cela comme en toute chose. Je t’aime tant, mon adoré.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 143-144
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) Il y a cinq points de suspension.
b) « bien d’autre chose ».
c) « avertit ».
d) « emploiée ».