13a février [1841], samedi après-midi, 1 h.
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Comment vas-tu mon bon petit homme ce matin ? Je t’aime de toute mon âme, moi. Voilà le bulletin de ma santé : il est assez satisfaisant comme tu vois [1], mais il serait meilleur encore si tu étais venu cette nuit te reposer auprès de moi. Peut-être n’êtes-vous pas assez désintéresséb pour me donner cette preuve d’amour gratuitement. Cependant, vous n’êtes pas venu davantage quand je pouvais vous donner la monnaie de votre pièce et au-delà, d’où il faut conclure que vous êtes peut-être comme votre ami GRINGOIRE et feu M. Despréaux : très peu voluptueux [2].
Je vais essayer encore aujourd’hui de copier cet affreux article de La Presse [3] sur les Bonaparte [4], mais je n’ose pas promettre que ma tentative sera victorieuse tant ma répugnance est grande. Il n’y a que le désir de te plaire qui pourra en triompher. Jour Toto, jour mon petit o, je t’aime mon cher adoré.
Je crois que ton gilet sera fini ce soir [5]. Il sera très bien et te fera un bon service, je le pense du moins. En tout il te reviendra, journée d’ouvrière [6], doublure et fournitures comprisesc à 9 ou 10 F. Je ne sais pas ce que ton tailleur te faitd payer les tiens mais je pense qu’il te fera autant et plus de profit qu’un gilet de soie. Je vous aime Toto, baisez-moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 139-140
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) Chiffre illisible.
b) « désintérressé ».
c) « compris ».
d) « fais ».
13 février [1841], samedi soir, 5 h. ½
Il paraît, mon cher petit Toto, que LA PRESSE vous a fait fauxa bon aujourd’hui ? Cela est d’autant plus naturel qu’il y a le feuilleton de Mme de Girardin probablement [7] ? Au reste j’y suis faite, quand quelque chose vous semble trop intéressantb pour moi vous me lec supprimez. C’est de la censure à domicile, à laquelle je n’ai rien à voir puisque j’ai accepté le règne du despotisme dans toute sa splendeur. VIVE LA CHARTE, VIVE TOTO, VIVE LES NEZ DE CARTON. Enfin je vous aime comme ça, c’est pas la peine que vous changiez à présent.
Je n’ai pas pu décidément prendre sur moi de copier la chose en question dans la journée, j’ai trop à faire et le soir ça m’est impossible, à moins d’un ordre supérieur. Sinon non, je reste dans ma paresse et dans mon antipathied pour l’écriture de ce qui ne me regarde pas et ne m’intéresse pas.
Ha ! ça, parlons peu mais parlons bien, est-ce pour demain que vous viendrez déjeuner avec moi ? J’en doute et vous me surprendrez agréablement si vous venez.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 141-142
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « faut ».
b) « intéressante ».
c) « la ».
d) « anthipathie ».