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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 août [1836], vendredi après-midi, 5 h.

Je suis épuisée de fatigue et de chaleur. La bonne est arrivée il y a un quart d’heure, je n’ai jamais pu me faire expliquer si ce serait M. ou Mme Lanvin qui viendrait m’apporter la réponse ce soir. Au reste il importe peu. Cependant j’aurais préféré que ce soit Mme Lanvin qui voiea M. Pradier [plutôt] que son mari, attendu qu’elle sait mieux que lui se faire comprendre.
Je pense mon cher bijou que vous êtes à Fourqueux [1]. Par conséquent j’ai moins de regret sur le mauvais dîner que j’aurais eu à t’offrir.
Cher bien-aimé, je ne suis pas encore débarbouillée. J’ai travaillé jusqu’à présent, aussi tout est-il propre comme un [sou  ?] breton [2].
Je vous aime mon Toto quoique vous m’ayez fait beaucoup de chagrin hier, et que je sois encore sous la terreur de n’avoir pas le portrait à la manière dont vous prenez séance. Je vous aime malgré tout, je vous aime mon Victor chéri, non pas parce que vous êtes le plus méchant, le plus laid et le plus stupide des hommes, mais parce que je vous aime. Parce que je vous ai donné mon cœur, mon sang, ma pensée, ma vie.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 224-225
Transcription de Nicole Savy

a) « voye ».


12 août [1836], vendredi soir, 8 h. ½

Cher bien-aimé j’ai vu Madame Lanvin. J’ai dîné avec elle, elle vient de s’en aller. Elle a vu M. Pradier qui a approuvé tout ce que nous avions fait et à l’avenir il veut qu’il en soit toujours ainsi. Nous avons fait un maigre dîner mais comme je pense que tu es à Fourqueux, je n’en suis pas fâchée.
Mon cher petit Toto je vous aime de toutes mes forces, de tout mon cœur. Je suis triste et ennuyéea, je ne sais pas pourquoi ! ou plutôt je le sais trop, c’est que vous êtes absent.
Cher petit homme je t’assure que c’est un grand sacrifice que je te fais en te faisant celui de ma liberté. C’est une bien grande preuve d’amour, que jamais j’en suis sûre aucune femme au monde ne consentirait à faire à tout jamais, comme je te l’ai fait depuis bientôt trois ans. Je ne te dis pas cela pour me faire valoir, car je t’aime et d’ailleurs il y a des moments (ceux de ton absence) où je souffre tellement, et où ma nature se révolte tellement contre cette dépendance qu’il ne faut pas m’en savoir d’autre gré que celui de m’aimer, parce que je t’aime plus que tout au monde.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 226-227
Transcription de Nicole Savy

a) « ennuiée », graphie d’époque.

Notes

[1Cet été-là, Victor a loué une maison à Fourqueux, entre Saint-Germain-en-Laye et Marly-le-Roi, pour sa famille et ses amis. Il fait des allers et retours fréquents depuis la Place royale.

[2La comparaison de Juliette s’entend ici par antiphrase : voir la réputation de saleté faite à la Bretagne dans les récits de leurs voyages par Victor.

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