Guernesey, 25 octobre [18]67, vendredi, 6 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, beau jour et bonheur et amour, tout cela en deux syllabes : BON JOUR. Je ne sais pas si tu es déjà levé parce que je n’ai pas encore ouvert ma porte pour ne pas forcer Suzanne à se lever trop tôt. La pauvre fille travaille dur depuis que nous sommes revenus. Aussi je respecte son sommeil. J’espère que tu as bien dormi et que tu dors même encore. Moi aussi j’ai passé une très bonne nuit et je me porte très bien ce matin. Le ciel est très beau quoique très sombre et le soleil très rouge, ce qui fait l’effet d’un immense foyer de forge à l’horizon. Je ne sais pas ce qui sortira de tout cela pendant la journée mais s’il faisait beau, je te proposerais de me débarrasser tantôt de ma visite aux Corbin et même de celle aux de Putron pour n’avoir plus à y songer. Je crois aussi que nous ferions bien d’écrire aux Berru le plus tôt possible. C’est biena le moins que nous leur donnions cette marque d’amitié en échange de leur pieux dévouement pour toi et de leur hospitalité forcée pour moi [1]. Je te parle de tout cela en gribouillant parce que je te vois très peu en tête-à-tête et que je n’aime pas parler de nos affaires devant des tiers et des quarts. J’espère que tu m’approuves et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 258
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « ces bien ».