9 juin 1855

Jersey, 9 juin 1855, samedi après-midi, 3 h.

Je remarque, mon cher petit homme, avec quelle ponctualité vous me mettez à la portion congrue chaque lendemain de mon festival hebdomadaire. Cependant, je vous assure que je suis Juju à digérer du bonheur deux jours de suite et même davantage. Mais puisque vous le voulez, je me serre le cœur (J’aimerais mieux me serrer le ventre). Puisque je suis en train de licences, je vous dirai que je commence à ne pas trouver très drôle mon rôle de femme RESPECTÂBLE^a pendant que vous greluchonnez bras-dessus bras-dessous et la bouche en cœur avec la douce Allix et [ce genre  ? ] ENTIER monde doit vous plaire, je le comprends. Quant à moi, il M’EMBÊTE complètement. Voilà la vérité. Dorénavant vous voudrez bien laisser cette prima duo ter amoroso avec le docteur ou autre virtuose de même calibre et vous en tenir à notre pauvre discordante Juju. Oh ! bonheur je vous aperçois à l’horizon. J’oublie toutes mes rabâcheries pour ne songer qu’au plaisir de vous voir ne fût-ce^b qu’un tiers de seconde. Je m’épêche de vous donner mon âme en long et en large avec autant de baisers que vous pourrez contenir depuis la tête jusqu’aux pieds. Bonjour et ça va bien et vous ?

J.

BnF, Mss, NAF 16376, f. 243-244
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) Le A est surmonté de trois accents circonflexes.
b) « fusse ».