Guernesey, 10 novembre 1862, lundi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon grand petit homme, bonjour, je t’aime.
Comment vas-tu ce matin, mon bien-aimé ? Comment as-tu passé la nuit ? Je ne le saurai que tantôt quand tu viendras baigner tes yeux. Jusque là j’espère que tout est à souhait pour ta santé et pour ton bonheur. Je vois avec regret les giboulées se succéder ce matin, ce qui ne permet pas de faire des projets de promenade pour tantôt car, en supposant un peu de répit de la pluie, les chemins seraient trop mouillés pour mon mauvais pied qui ne peut pas encore supporter de vraies chaussures. Donc je suis d’avance condamnée à rester au coin de mon feu toute la journée, trop heureuse si tu peux de ton côté prendre un peu d’exercice entre deux bourrasques. Cependant, quel que temps qu’il fasse demain et quel que soit l’état de ma patte, il faudra que je fasse la corvée Corbin car il m’est impossible de l’ajourner plus longtemps, surtout depuis son cadeau de raisin. Ainsi demain, quoi qu’il arrive, je ferai cette visite. Je voudrais déjà qu’elle fût faite pour n’avoir plus l’embêtement d’y songer. Mon cher adoré, je me console en pensant à toi.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 236
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa