Jersey, 11 mars 1855, dimanche soir, 5 h.
Je viens de finir la plus effroyable des corvées, mon cher petit bien-aimé, et maintenant je me hâte de vous bâcler ma restitus qu’un lapsus de plume vient d’écrire BESTITUS sans plus de cérémonie pour mes spirituelles élucubrations. Vous pensez que j’ai CORRIGÉ cet important TRAIT de plume et rétabli mon R majestueux et majuscule. J’ai vu le citoyen Durand et je l’ai invité à manger mon simple et laconique pot-au-feu. Il venait de la part de Philippe Asplet t’avertir de te méfier de Terrasson et de prévenir Schoelcher de se tenir sur ses gardes car il paraît que ce citoyen est indigne de tout intérêt et capable de toutes les infamies. En même temps, il m’a confié le secret contenu dans une lettre que le hasard lui a fait tomber ouverte entre les mains et que, sur le conseil de Préverauda, il a brûléb. Il s’agirait d’une légère carotte de six cents francs tirée par Alain [1] à Alavoine. D’initiale à initiale, et de Robert Macaire [2] à Saint-Just, cela se fait il paraît. Bref la lettre [plusieurs mots illisibles] contenait la réclamation de la somme prêtée en différentes fois au susdit Alain avec quelques légères remontrances sur la faiblesse de scrupule du démagogue nécessiteux et floueur. Tout cela, mon pauvre adoré, n’est ni beau ni encourageant. Aussi je t’engage à ne pas trop donner dans le GODANT [3] de la JEUNE épouse éplorée adorant son mari et choyant la bosse de Guérin, avertissement donné avec tout le respect qui vous est dû. Je me hâte de baiser vos [illis.] pieds.
Juliette
BNF, Mss, NAF 16376, f. 103-104
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « Préverauld ».
b) « brûlée ».