4 août [1837], vendredi matin, 10 h. ¼
Bonjour mon Toto bien aimé. J’ai fait la paresseuse ce matin. J’en ai honte en pensant à toi pauvre adoré qui peut-être a passé toute la nuit à travailler. J’avais marché et puis avant de m’endormir j’ai lu. Après j’ai dormi comme un sabot. Voici le fait. Que je t’aime mon cher bien-aimé, que je t’aime. Je tâche de me rendre digne de toi. Je fais tous mes efforts pour être bonne et patiente. Est-ce que j’y réussis ? Il y a bien longtemps mon cher petit homme que vous ne m’avez battue. Est-ce que vous ne m’aimez plus ? Je veux que vous me battiez, entendez-vous, bien souvent et bien fort [1]. Tant que vous ne le ferez pas je ne me tiendrai pas pour battue et je vous demanderai tous les jours une volée à cor et à cris. Il fait un temps charmant. Quel malheur que ce ne soit pas aujourd’hui que nous partions. Je crains qu’il fasse mauvais plus tard. Au reste, ça m’est à peu près égal quand je suis avec vous. Oui mon Toto, le temps et toutes ses variations ne me fait rien à côté de vous. C’est très bête comme je vous le dis là, mais c’est très spirituel et très charmant en dedans. Jour mon petit o. Jour mon gros to. Apportez-moi votre nouveau portrait [2]. Je ne serai pas fâchée de vous voir un peu avec votre nouveau visage.
Je t’aime mon petit Toto. Je t’adore mon amour. À bientôt n’est-ce pas ?
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 139-140
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
4 août [1837], vendredi soir, 8 h. ¼
Si vous ne venez pas me chercher ce soir pour marcher un peu, vous serez un méchant, vieux, bête et laid de Toto. Mais si vous venez, vous serez mon très joli, très jeune et très beau Toto. Voilà. Jour mon petit pa. Jour mon gros to. J’avais bien envie tantôt de mettre une des lettres si ravissantes que vous veniez d’écrire dans ma poche au risque d’en frustera pour bien dire l’individu quelconque à qui vous destiniez la délicieuse épître [3]. Mais je me suis souvenue à temps de la maxime des gens PAUVRES MAIS HONNÊTES [4] et je suis restée honnête MAIS PAUVRE. Dites donc, vous, vous me devez aussi une lettre. Non c’est des coups que je veux dire, la plume m’a fourché [5]. Vous me devez des coups, je veux que vous me les payiezb tout de suite. Je ne veux plus vous faire crédit plus longtemps. Tiens on a un homme ou on n’en a pas. Si on en a on doit être rossée. Je ne connais que cela. Battez-moi tout de suite. Vous me faites joliment l’effet d’être déjà à Auteuil [6], vous. Vous êtes si sournois que vous me cachez peut-être encore ça. Au reste vous en êtes le maître et je ne m’en fâche pas. AU CONTRAIRE. Soir pa, soir man. Je t’aime mon cher bijou bien aimé. Je t’aime, pense à… MA TÊTE.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 141-142
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « frusté ».
b) « payez ».