Guernesey, 23 février 1861, samedi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon pauvre petit souffrant, bonjour à travers ma tristesse presque aussi épaisse que le brouillard qu’il fait en ce moment. Bonjour, mon pauvre adoré, bonjour avec toutes les ineffables tendresses de mon cœur, bonjour avec la sollicitude inquiète de mon âme. Bonjour, comment as-tu passé cette nuit ? Je n’ose plus rien penser à l’avance de peur de me tromper mais si le désir ardent que tu aies passé une bonne nuit suffisait pour que cela soit, je devrais être bien tranquille et bien heureuse ce matin. Malheureusement, il n’en n’est pas toujours ainsi, je ne le sais que trop, ce qui fait que je serai tourmentée jusqu’à ce que je t’aie revu bien portant et content de ta nuit. C’est une bonne chose que l’eau de Bussanga [1] soit arrivée. Je crois que cela te fera grand bien. Ce qu’il te faut, ce sont des fortifiants, un bon régime et pas du tout de drogue en attendant que tu puisses changer d’air. J’espère que tu vas en ressentir le bon effet de cette eau dès que tu en reprendras. Je regrette qu’on n’ait pas songé à faire venir en même temps les pilules de Valetta [2] qui en sont le complément quoi qu’on doive les faire ici d’après la formule de Paris. Enfin, mon cher adoré, j’espère que tu vas aller mieux, décidément mieux, c’est-à-dire bien et que tu n’auras plus ces petites rechutes qui te fatiguent et qui m’attristent au fond de l’âme et me rendent très malheureuse. Mon bien-aimé, que Dieu te bénisse. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 53
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette
a) « Bussange ».
b) « Vallette ».