Guernesey, 20 janvier 1861, dimanche matin, 9 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour que tout ce que tu désires t’arrive à souhait pour toi et pour tous les chers tiens : santé, joie, bonheur, gloire, amour. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que ce bobo de ta gorge se comporte toujours de mieux en mieux. Quant à ton écorchure, je n’en parle que pour vous gronder de frotter si fort une peau qui n’est pas tout à fait à vous. Une autre fois vous aurez la bonté de la ménager un peu plus ou vous aurez affaire à moi qui vous étrillerai encore plus énergiquement POUR VOUS APPRENDRE. Je suis bien contente de savoir que la confiance en Corbin commence à arriver chez ta femme et chez Charles. Outre que cela les tranquillisera tous les deux, cela donnera le temps et le courage à ce brave homme de soigner et de guérir Mme Hugo sans trouble et sans trop d’impatience de sa part et de la sienne. Mais si le voyage de Londres [1] devenait nécessaire pour elle et pour toi, je te supplie de me permettre de vous accompagner à travers tous les incognitos que tu voudras. Pourvu que je sois auprès de toi, que je respire le même air que toi et que je coure les mêmes chances que toi, je suis heureuse et je ne demande rien de plus au bon Dieu. Ainsi c’est bien convenu si tu étais forcé pour calmer les inquiétudes toujours possibles de ta chère femme de partir brusquement avec elle tu m’emmènerais ou plutôt tu me laisserais te suivre sur le même packet que toi. J’y compte, mon adoré, tout en désirant que ta femme n’ait pas besoin de ce voyage pour se tranquilliser. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 19
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette