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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 3 janvier 1855, mercredi après-midi 3 h. ½

Méfiez-vous, affreux Toto, car je sais tout ! par A plus B sans compter le RESTE et l’alphabet tout entier, ce qui ne m’empêchera pas de vous donner de la viande ce soir pour le premier service, la poison n’étant d’usage qu’au dessert. Du reste, je m’en lèche les barbes d’avance tant que je me fais un grand bonheur de vous voir montrer vos BELLES DENTS DU RIRE et votre voracité APPÉTISSANTE. Je regrette que ces pauvres petits Préverauda aientb eu un RAT qui les empêche de venir ce soir car je me figure que cette petite ripaille sera charmante. Je m’y suis ingéniée de mon mieux et Suzanne y met tout son savoir-faire, y compris son érudition culinaire, scientifique et littéraire. Cela promet, comme vous voyez.
Ah ! voici le citoyen Thomas qui passe. Je ne sais pas si c’est le regret de n’être pas à ROUEN dans ce moment-ci qui lui fait porter la tête d’une façon si sombre et si fatale. Le fait est qu’il a l’air d’un homme imbibé d’AQUA TOFANA [1]. Il n’en était pas de même du citoyen Bourrillon ce matin, me faisant remettre par Suzanne le journal, plus un petit COMPLIMENT AD HOC qui ne demande en échange qu’une simple carotte extraite de mon potager californien. Mais comme j’étais en train de me peigner j’ai évitéc le piège mais je crains bien que ce ne soit reculer que pour mieux faire sauter mes pauvres six pence. Je prendrai à cet égard conseil de toi. Jusque-là je me félicite du retard.
Nous verrons si vous osez raconter devant Miss Allix les énormités que vous m’avez dites hier. Il me semble que vous faites bien la bouche en bâton de chaise avec cette vaporeuse [illis.]. J’y aurai l’œil, à cette autre guitared, prenez garde à vous. D’autant plus que je la crois très facile à pincer. Vous êtes averti. Sur ce, je vous baise comme un homme qui en vaut deux. Quant à moi je suis assez mal en point, ce qui ne m’empêche pas de rire comme vous voyez et surtout d’être bien heureuse de vous gaver ce soir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 5-6
Transcription de Magali Vaugier assistée de Florence Naugrette


a) « Préverauld ».
b) « ait ».
c) « éviter ».
d ) « guitarre ».

Notes

[1Aqua tofana : poison italien.

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