Paris, 28 février 1882, mardi matin, 10 h.
Comment la nuit, mon cher bien-aimé ? Je t’ai à peine entendu remuer mais c’est peut-être parce que j’ai dormi d’un sommeil lourd et trouble. L’absence de Tolu [1] ne s’est pas fait sentir, je l’espère. En somme es-tu content de ta nuit ? C’est ce que je désire savoir le plus tôt possible. Le temps est à l’orage mais beau. Tu as réunion dans les bureaux à deux heures et séance publique à trois. Il dépendra de toi d’y aller à l’heure que tu voudras. Quant à moi je serai toujours prête à te suivre partout et toujours. C’est grand dommage que mes vieilles douleurs ne me laissent ni paix ni trêve. Heureusement que tu en as pris ton parti pour moi. Le flot des lettres et des journaux depuis trois jours est tel que j’ai dû renoncer à lutter contre ce mascaret et abandonner au pilote Lesclide le soin de réunir et de classer toutes ces épaves d’admiration et d’adoration qui jonchenta la plage de ta maison. « C’est bête comme tout ce que je te dis là [2] » mais c’est la vérité, tant pis pour toi. Ça t’apprendra à être VICTOR HUGO SI DIGNE DE CE NOM !
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 12
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « jonche ».